A Paris, les arrondissements populaires subissent les fermetures de classes
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C’est une nouvelle saignée pour les écoles parisiennes, qui affecte directement les quartiers les plus populaires de la capitale. Environ 110 postes doivent être supprimés, sur les 470 au niveau national, selon le rectorat de Paris. Cela correspond à un solde de 177 fermetures de classes, selon le syndicat SNUipp-FSU. Des suppressions dictées par la baisse démographique à Paris, et moins fortes qu’initialement prévues, avant les négociations entre le Parti socialiste et le Premier ministre, qui ont conduit au maintien de 4.000 postes. Mais qui visent aussi les quartiers avec le plus de difficultés.

Les 18e, 19e et 20e arrondissements encaissent ainsi un solde de 58 fermetures de classes, soit un tiers des fermetures prévues. C’est le 18e qui en perd le plus, suivi par le 19e, selon le décompte du SNUipp-FSU Paris. « Il y a un discours ambiant selon lequel Paris serait une académie privilégiée. Mais c’est un discours de gens qui ne perçoivent pas la réalité des écoles à Paris », dénonce Léa De Boisseuil, cosecrétaire départementale du FSU-Snuipp Paris.

Les parents d’élèves, notamment la FCPE, font le même constat. « Une grande majorité de ces fermetures ont lieu dans le réseau d’éducation prioritaire, ce sont des établissements avec les indices de position sociale les plus faibles [qui indique les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves accueillis dans l’établissement]. C’est problématique de supprimer des classes dans ces territoires où il y a de la précarité », regrette Florence Gatineau, au conseil départemental de la FCPE Paris.

« Logique comptable »

Or, complète Muriel Larue, présidente de l’union locale de l’association de parents d’élèves dans le 19e, « la discussion avec le rectorat porte sur un unique critère, le nombre d’enfants par classe. Ils ferment les écoles avec les taux les plus bas, sans discussion sur le nombre d’enfants avec des handicaps, ou des enfants allophones [qui ne parlent pas Français]. Il n’y a aucune réflexion sur l’impact sur le territoire. On range les enfants comme des sardines dans des boîtes ».

« La logique comptable prévoyant une baisse démographique prévisionnelle à Paris ne saurait constituer à elle seule un critère pertinent pour décider de fermetures de classes. Chaque territoire a ses spécificités et ses besoins propres, que l’analyse de chiffres bruts de baisse démographique ne pourrait traduire fidèlement », dénonce aussi, dans une lettre adressée au rectorat, le député Emmanuel Grégoire, ex-Premier adjoint de la ville.

Félix, père d’enfants qui sont à l’école élémentaire de l’Ourcq et en maternelle rue Archereau, toutes les deux touchées par les suppressions de classes, a constaté par exemple que l’établissement de ses enfants pouvait se remplir de nouveaux arrivants en cours d’année, dépassant donc les seuils maximaux d’enfants par classe prévus au départ. Ce sont notamment des enfants de personnes migrantes, qui n’ont pas toujours de domicile fixe et des conditions de vie particulièrement difficiles. « Ce sont des enfants avec des besoins spécifiques », pointe-t-il. Avec les autres parents d’élèves, il a écrit au rectorat.

Fuite vers le privé

A terme, préviennent ces différents acteurs, c’est la mixité sociale de ces quartiers qui pourrait être menacée. Félix observe une « boucle infernale » qui conduirait certains parents à fuir vers le privé parce que les conditions du public se dégradent, entraînant toujours plus de suppressions de postes dans le public. « Notre quartier souffre de plusieurs maux sociaux : paupérisation, toxicomanie, faits divers sordides… Notre groupe scolaire est un rempart moral à la grisaille ambiante dans ce secteur de Paris, explique une autre mère, dans le 19e. Nous savons que si la maternelle se dégrade davantage, les familles fuiront vers le privé, déjà bien débordé, dès les 3 ans de leur enfant, pour s’assurer une place en CP. »

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Johanne, prof dans le 18e en école primaire et mère d’un enfant dans le 19e, dans une maternelle visée par les suppressions de poste, exprime la même crainte. Elle pointe que ces suppressions de classes déstabilisent aussi les équipes en place, dans des quartiers qui ont désespérément besoin de stabilité : « Dans mon école il y a un prof qui est arrivé il y a quatre ans, il se demande où il va aller l’année prochaine. Le moral des équipes est miné. »

De nombreux enseignants, enseignantes et parents seront mardi 11 février devant le rectorat pour exprimer leurs doléances, espérant être épargnés par la saignée en vue. La liste officielle des postes supprimés sera présentée ensuite au mois de mars. Dans l’attente, le rectorat n’a pas souhaité s’exprimer auprès de 20 Minutes.

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