La probable fermeture de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), annoncée en début de semaine par l’Administration Trump, ne signifie pas que les États-Unis ne financeront plus des projets d’aide internationale. En revanche, un changement de méthode va être opéré.
« Nous allons maintenant devoir travailler de la base vers le sommet, plutôt que du sommet vers la base, pour identifier les programmes qui devraient être spécialement désignés et donc exemptés », a indiqué le secrétaire d’État américain Marco Rubio à la presse mercredi, lors d’une étape au Guatemala à l’occasion de son premier déplacement à l’étranger.
Cette agence indépendante, créée par une loi du Congrès américain en 1961, gère un budget de plus de 40 milliards de dollars. Une somme destinée à financer, dans quelque 120 pays du globe, l’aide humanitaire, au développement, dans les domaines de l’éducation, la santé ou encore la gouvernance. Mais son fonctionnement et le fléchage de son budget ne sont pas du goût de Donald Trump, qui estime qu’elle est « dirigée par une bande de fous extrémistes ».
C’est pourquoi, dès sa prise de fonctions le 20 janvier dernier, il a gelé l’aide étrangère pour 90 jours, le temps d’un réexamen complet de celle-ci, notamment pour traquer les programmes favorisant la diversité ou l’avortement. « Il ne s’agit pas d’une organisation caritative. Il ne s’agit pas de fonds privés. Il s’agit de l’argent des contribuables américains. Nous avons l’obligation de le dépenser avec sagesse », a appuyé Marco Rubio ce mercredi.
Des projets déjà impactés
Les États-Unis sont jusqu’à présent le principal pourvoyeur d’aide humanitaire et au développement dans le monde, y consacrant environ 1 % du budget du gouvernement fédéral. Au total, l’administration Biden avait demandé pour l’exercice budgétaire 2025 quelque 42,8 milliards de dollars pour ce domaine. Selon le porte-parole de l’ONU, les États-Unis ont versé 47 % du montant total d’aide humanitaire réclamée par l’organisation internationale au niveau mondial en 2024, soit environ 14 milliards de dollars.
L’impact du gel de l’aide étrangère américaine s’est d’ailleurs déjà fait sentir à travers le monde, semant la pagaille dans les milieux humanitaires. « C’est une guerre contre le développement », ont déploré lundi, dans un communiqué, l’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes (ILGA World) et la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF).
Ainsi, en Ouganda, pays d’Afrique de l’est, certaines écoles financées par Washington ont déjà envoyé des messages demandant aux enfants d’arrêter de venir, selon un membre du réseau d’aide humanitaire Compassion Connectors. Au Cambodge, l’un des pays les plus minés au monde, des opérations de déminage ont été suspendues, a alerté la semaine dernière la responsable de l’autorité cambodgienne chargée du traitement des mines.
Tous les programmes ne sont toutefois pas touchés. Donald Trump a fixé certaines dérogations pour les projets dont l’aide humanitaire est jugée vitale. C’est le cas notamment d’un des programmes américains les plus importants, le Pepfar, lancé par l’ex-président George W. Bush pour lutter contre le sida. Plus de 20 millions de personnes vivant avec le VIH en dépendent directement.
Les dépenses publiques dans le viseur
L’USAID emploie quelque 10 000 personnes, dont les deux tiers sont en poste à l’étranger, selon le Congressional Research Service, un organe dépendant du Congrès américain. Ceux travaillant hors des frontières américaines et leurs familles ont d’ailleurs 30 jours pour revenir aux États-Unis, selon un document diffusé mardi soir sur le site internet de l’agence. Et à partir de ce vendredi à minuit, « tous les employés directement employés par l’USAID seront mis en congé administratif dans le monde entier », est-il également écrit. Des dizaines de hauts responsables ont en outre déjà été mis en congé et le siège de l’agence, situé à Washington, n’est plus accessible.
Les attaques contre cette agence entrent dans le cadre d’une traque sans merci contre les dépenses publiques engagée par Elon Musk, nommé par le président américain directeur du département de l’efficacité gouvernemental (DOGE). Dans ce cadre, le gouvernement américain a proposé la semaine dernière une mesure inédite aux deux millions de fonctionnaires fédéraux : démissionner tout en conservant leur salaire et avantages sociaux jusqu’à la fin septembre.
Cette mesure vise à réduire les effectifs de 5 à 10 %, permettant ainsi une économie de 100 milliards de dollars, selon les projections. Ceux qui restent ont été prévenus que ni « la pérennité » de leur poste ni celle de leur administration ne sont garanties. « Ils (les membres du gouvernement, NDLR) veulent fondamentalement affaiblir la fonction publique et se débarrasser de l’idée, en faveur d’autres plus en prise avec les méthodes du secteur privé », a récemment résumé un salarié du bureau de gestion des fonctionnaires fédéraux.