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Autoroute A69 : l’ultime chance de stopper l’installation des usines à bitume
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Tarn, reportage

En arpentant les collines presque désertes de la vallée du Girou, près du petit village de Péchaudier dans le Tarn, il est difficile d’imaginer qu’à quelques kilomètres de là, une usine à bitume produira bientôt plusieurs centaines de milliers de tonnes d’enrobés pour l’autoroute A69.

Cette usine, située à l’extérieur de Puylaurens, à une vingtaine de kilomètres de Castres, est censée s’installer à partir de mars, selon le planning du concessionnaire Atosca. Une autre doit s’implanter plus à l’ouest, à la frontière entre le Tarn et la Haute-Garonne, à Villeneuve-lès-Lavaur.

Alors qu’une audience capitale se tient le 18 février au tribunal administratif de Toulouse pour déterminer si l’autorisation environnementale de l’A69 doit être annulée et le chantier arrêté, l’installation de ces centrales à enrobés est pour l’instant en sursis. Sans attendre une potentielle décision de justice favorable, les habitants du territoire s’organisent pour prendre en main une véritable question de santé publique.


Le site de l’usine d’enrobés de Puylaurens, où devrait être montée l’usine prochainement.
© Antoine Berlioz / Reporterre

« Savoir ce qu’on respire »

« Je vous présente le capteur Zéphyr », lance Jean-Noël, en pointant du doigt un petit objet blanc et sphérique posé sur la table de son salon à Péchaudier, une bourgade de moins de 200 habitants. Cet ancien ingénieur chez Airbus, aujourd’hui à la retraite, est depuis deux ans impliqué dans la lutte des « sans bitume », qui regroupe une dizaine de collectifs opposés à l’installation de ces centrales le long du tracé de l’autoroute. « C’est un capteur pour mesurer la qualité de l’air. On l’a développé en interne et il nous permettra de surveiller les émanations des usines à bitume », détaille-t-il.

Face au manque d’information et de transparence concernant l’installation de ces centrales d’enrobés à chaud, qui doivent produire 500 000 tonnes d’enrobés pour l’A69, les collectifs sans bitume ont organisé des réunions publiques fin 2023 dans les villages qui bordent l’autoroute.

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Les mesures des capteurs sont collectées en temps réel et peuvent être visualisées sur une application.
© Antoine Berlioz / Reporterre

« Au départ, personne ne savait rien, tout cela était bien caché au fond d’un dossier de plusieurs milliers de pages, détaille Marc, un autre opposant à l’installation des usines. Il a fallu organiser plusieurs réunions publiques pour faire comprendre à la population les risques pour notre santé et les nuisances qu’impliquent ces centrales à bitume. »

Le syndicaliste poursuit : « Il y a par exemple des écoles à proximité des centrales, et les parents d’élèves n’ont aucune information sur ces potentiels effets sur la santé de leurs enfants. C’est pareil pour les agriculteurs bio ou les personnes fragiles. »

Lire aussi : Usines à goudron de l’A69 : les agriculteurs craignent la pollution de leurs champs

Face à cela, les « sans bitume » ont fait preuve d’intelligence collective pour bricoler leur propre outil et « savoir ce qui se passe et ce qu’on respire, tout simplement », selon Jean-Noël. Connecté à un réseau Wi-Fi, ce capteur transmet en temps réel sur l’ordinateur les niveaux de particules fines, les composés organiques volatils et les oxydes d’azote.

70 capteurs ont déjà trouvé preneurs et permettent un maillage complet des zones à proximité des centrales. « On en a vendu à certaines mairies, qui ont équipé leurs écoles », raconte Jean-Noël, qui a directement participé à l’élaboration de cet outil.

De son côté, le concessionnaire Atosca a prévu un programme de surveillance de l’air qu’il finance en partenariat avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) pour rassurer la population, mais cela est « largement insuffisant », selon lui.

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Catherine vit en colocation dans cette bâtisse où elle a installé un capteur. Comme beaucoup d’habitants, elle craint que les mesures officielles ne reflètent pas la réalité de qualité de l’air.
© Antoine Berlioz / Reporterre

« Des particules sur leur linge »

À l’ouest, dans le petit village de Villeneuve-lès-Lavaur, qui compte 150 âmes, Sabine et Catherine ont équipé la façade de leur maison d’un capteur Zéphyr. Opposées à l’installation de la centrale, à environ 2 km de la bâtisse qu’elles louent, elles se disent extrêmement inquiètes des futures nuisances.

« Il y a un silence des élus à ce sujet. Pourtant, c’est une véritable question de santé publique. On se sent abandonnées, raconte Sabine. On a entendu des témoignages terribles de personnes qui ont déjà eu ce type de centrales dans leur commune. Certains retrouvaient des particules sur leur linge ou leur voiture, d’autres étaient contraints de s’enfermer chez eux quand les odeurs étaient très fortes. »

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À moins de 1 km de l’usine d’enrobés de Villeneuve-lès-Lavaurs, des habitants craignent pour leur santé.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Dans le petit village, quatre capteurs sont déjà opérationnels, disposés chez des particuliers. « On croit en la justice, et j’espère encore qu’ils vont arrêter ce projet, mais on se prépare au pire », assure Catherine.

Des arbres fruitiers devant la maison habillent le parvis de la bâtisse. Quelques mésanges se chamaillent. « Elles sont vraiment bien ici avec tous ces arbres… Jusqu’à maintenant en tout cas », souffle Sabine.




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