Alors que le Dr Vivek Murthy, chirurgien général aux États-Unis, a récemment défendu l’apposition d’avertissement relatifs au cancer sur les boissons alcoolisées, l’Union européenne (UE) accuse toujours un retard en matière d’étiquetage et de messages préventifs.
Si l’alcool est responsable d’environ 100 000 cas de cancer et 20 000 décès chaque année aux États-Unis, « la majorité des Américains ne sont pas conscients de ce risque », a déploré le Dr Vivek Murthy vendredi 3 janvier. Selon des experts en santé publique, les citoyens européens seraient également mal informés.
Dans le cadre du plan européen de lutte contre le cancer, la Commission avait promis, en 2022, de modifier la réglementation relative à l’étiquetage de l’alcool et d’imposer l’affichage d’informations nutritionnelles sur le devant de l’emballage des boissons alcoolisées. Une initiative distincte concernant les avertissements relatifs à la santé était également prévue pour 2023.
Mais trois ans plus tard, la proposition d’étiquetage n’a toujours pas été publiée, suscitant des critiques de la part des eurodéputés du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) et des groupes de la société civile.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a également enjoint à l’UE de faire figurer la teneur en calories sur les étiquettes des boissons alcoolisées.
« L’alcool a des implications majeures pour la santé publique », a rappelé Carina Ferreira-Borges, responsable du programme sur l’alcool, les drogues illicites et la santé en milieu carcéral à la branche européenne de l’OMS, à la chaîne télévisée américaine CNN lundi 6 janvier, appelant à des mesures pour protéger la santé des citoyens.
Contre l’étiquetage
Sans surprise, les pays producteurs de vin tels que la France, l’Italie et l’Espagne, se sont opposés à l’étiquetage de l’alcool, arguant que le projet pourrait mettre en péril le secteur.
Selon l’enquête du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), les DG SANTE et AGRI de la Commission ont rencontré 22 fois l’industrie de l’alcool entre mai 2020 et décembre 2023, sans qu’aucune réunion n’ait lieu avec des organisations de la société civile.
En 2023, l’Irlande a été le premier pays au monde à convenir d’un mandat d’étiquetage de l’alcool établissant un lien entre la consommation d’alcool et le cancer, prenant effet à partir de mai 2026. Elle s’est heurtée à l’opposition de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), de groupes commerciaux et d’autres États membres de l’UE, qui ont déclaré que cela pourrait fracturer le marché unique.
« Les informations sur la santé devraient servir à informer et non à alarmer », explique à Euractiv Ulrich Adam de spiritsEUROPE, groupe professionnel représentant les intérêts des producteurs de boissons spiritueuses au niveau de l’UE, faisant référence aux étiquettes d’avertissement sur la santé « simplistes », proposées par l’Irlande.
Actuellement, la plupart des États membres de l’UE n’imposent des avertissements sanitaires qu’à des groupes de population spécifiques, comme la consommation d’alcool par les jeunes ou pendant la grossesse.
Les risques de l’alcool pour la santé
L’étiquetage de l’alcool ne doit pas être confondu avec les avertissements sanitaires, met en garde Eurocare, un réseau d’organisations bénévoles et non gouvernementales oeuvrant pour prévenir et réduire les dommages liés à l’alcool dans toute l’Europe.
Selon l’OMS, environ 800 personnes meurent chaque jour en Europe de causes liées à l’alcool, ce qui représente le taux de mortalité le plus élevé au monde.
L’alcool est associé à une augmentation des taux de cancer, notamment du sein, du côlon, du foie, de la bouche et de la gorge, ainsi qu’à des affections neurologiques, telles que la neuropathie (atteinte du système nerveux) et les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Jusqu’à présent, le commissaire européen à la Santé, Olivér Várhelyi, n’a pas précisé sa feuille de route pour s’attaquer aux déterminants commerciaux de la santé, dont l’alcool.
[Édité par Sarah N’tsia et Anna Martino]
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