Fermeture du Labo de Riom :”On ne doit pas s’amuser avec la santé” – MEDIACOOP
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À 5 minutes à pied de la gare, le néon rouge de la salle Dumoulin éclaire la rue. Dans le hall, Filipe Da Cunha accueille le public en distribuant des tickets pour recenser le nombre de personnes présentes. Secrétaire de l’Union locale CGT de Riom, la fermeture du laboratoire d’analyse ne le rassure pas. « C’est une nouvelle machine du CHU de Clermont-Ferrand qui s’occupera des analyses. Les tests se feront à Riom puis seront acheminés à Clermont, tout est centralisé » explique-t-il.

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Selon lui, ce projet est impensable d’un point de vue écologique mais aussi social. « En réalité, on voit tout l’hôpital se dégrader. On ne s’amuse pas avec la santé, ça ne devrait pas être rentable. L’hôpital sert à sauver des gens normalement » indique-t-il en tendant un ticket à un nouvel arrivant. « J’espère que les habitants vont se déplacer ce soir. On a tracté au rond-point de Paris et au marché, les passants semblaient solidaires surtout pour l’hôpital public ».

Juste à côté de lui, Serge Rolland, responsable de l’Union Syndicale des Retraités du Puy-de-Dôme, distribue un journal. « C’est notre bulletin trimestriel. On est très préoccupé en tant que retraité dès qu’il s’agit de questions de santé » explique-t-il avant d’être interrompu par des camarades.

Dans la grande salle de spectacle, une cinquantaine de personnes se répartissent doucement dans les gradins. 7 intervenants font face au public dont l’une d’eux avec un peu de retard. « Elle était coincée dans les bouchons, bloquée par la navette transportant les échantillons » ironise l’un d’entre eux. Malgré le peu de monde, la réunion démarre vers 18h15.

Une délocalisation remplie de questionnements

Les intervenants commencent par dresser un état des lieux de la situation. L’annonce de la fermeture du laboratoire d’analyse s’est faite le 2 mai 2024, puis silence radio. Ce n’est que le 11 octobre que les syndicats ont pu obtenir une réunion de négociation, avant que ne soit annoncée la date fatidique début janvier. Le laboratoire doit donc fermer le 10 mars 2025 pour mutualiser l’hôpital de Riom et le CHU de Clermont-Ferrand.

Pour les soignants, c’est un processus entamé depuis plusieurs années qui se joue ici. En effet, depuis le début des années 2000 marquées par la fermeture de la maternité, le nombre de lits et de soignants diminuent tandis que les patients affluent. Comme l’explique Marine Ruiz, assistance sociale, « cette nouvelle fermeture touchera 6 agents de laboratoire dont 2 biologistes ». Il n’y aura donc plus aucun biologiste sur le site de Riom. Cependant, le centre de prélèvement où travaillent les infirmières n’a pas prévu de fermer au moins pour 2025. Dans le public, une personne intervient. « D’accord, il n’y pas de fermeture prévue pour le centre de prélèvement mais pour qu’il se maintienne, il faut au moins un biologiste sur place. Or, il n’y en aura plus ! ».

L’autre interrogation majeure porte sur le transport, relève une patiente de l’hôpital de Riom et membre de la CGT. Les analyses ayant lieu au CHU, ce sera une navette qui partira toutes les demi-heures les matins. Comme l’expliquent les intervenants, « les navettes appartiendront notamment au CHU et à des entreprises privées ». Cécile Merrouche, infirmière sur le site Estaing du CHU, rajoute : « Ces navettes et ces analyses du CHU seront évidemment facturées ! Et actuellement, ce sont essentiellement des scooters qui font les transferts dans Clermont ». De plus, ces trajets augmenteront les risques de recommencer les test en cas d’accident comme le signale l’audience. Enfin, les mouvements des tubes pendant les voyages pourraient causer des risques d’hémolyse ce qui détruirait des globules rouges.

La rentabilité plutôt que la santé des habitants et du personnel

Durant la discussion, un terme revient constamment pour représenter cette fermeture. Celui de « perte de chance », c’est-à-dire la disparition de la possibilité pour les patients d’obtenir une situation plus favorable. Pour Cécile Merrouche qui est également secrétaire générale de la CGT pour le CHU, l’objectif est clair : « Le but est de réduire le personnel. Le plus fou, c’est que les coûts seront moins élevés qu’avec des humains ! Il s’agit totalement de faire de la rentabilité ».

Sa colère se porte spécifiquement sur la nouvelle directrice du CHU, en poste depuis septembre 2023 à la demande de la présidence de la République. La syndicaliste estime qu’elle n’est pas ouverte à la discussion, malgré 28 services en grève au CHU.

Des tensions avec les élus

En dépit d’une présence assez faible ce soir, les personnes qui se font le plus cruellement sentir sont les élus. Alors qu’une centaine a été conviée, leur nombre se limite aux représentants de Marianne Maximi, Christine Pirès-Beaune et 5 conseillers municipaux. Ce sont justement ces derniers qui se retrouvent sous le feu des critiques. C’est particulièrement le cas de Pierre Chassaing, premier adjoint et affilié à droite, qui semble tendre l’auditoire lors de sa prise de parole. Selon lui, « la mobilisation des élus est nécessaire peu importe les couleurs politiques ». Il ajoute : « On obtient des victoires mais on ne gagne pas toutes les batailles et il est nécessaire de conserver les outils de santé publique ».

Un discours rapidement mis en perspective par le public qui rappelle que c’est la mobilisation syndicale qui arrache les victoires. Cécile Merrouche surenchérit : « Quand on avait besoin de vous, où étiez-vous ? Ne nous dites pas que vous essayez de sauver nos hôpitaux publics quand vous ne vous déplacez pas devant ! ».

Vers l’effondrement de l’hôpital public

Les intervenants insistent : « Sur le centre de prélèvement, il y a des études en cours concernant la fermeture car il y a GenBio à côté et pour beaucoup, c’est bien plus facile avec plus d’horaire même si c’est plus cher ».

« Il y aura des morts à Riom parce qu’on ne pourra pas avoir le matériel pour détecter des infarctus. Sans compter la lourde pression que subissent les soignants ainsi que leur charge de travail et la fatigue » renchérit une femme remplie d’émotions. Une autre ayant travaillé pendant 35 ans au CHU et 2 ans à Riom complète : « C’est la logique financière qui prévaut mais on ne peut pas arrêter de prendre soin de nos soignants ! Je ne crois pas que le CHU soit notre ennemi, mais je pense nécessaire de défendre le service public ». Les applaudissements de l’audience résonnent à chaque intervention.

« L’hôpital, c’est une entreprise maintenant. Il y a une volonté politique de détruire le service public. Bayrou veut mettre un milliard d’euros dans les hôpitaux mais il en faudrait 4 milliards » s’indigne un jeune retraité, ancien membre de la CGT.

L’inquiétude remplie de détermination des soignants

Les prises de paroles sont fournies, parfois pleines d’émotions. Les témoignages s’enchaînent pendant les 3h de discussion.

« Je suis malade et je dois faire des bilans de santé tous les mois. Je fais 18km pour venir à l’hôpital de Riom car c’est le lieu qui m’a fait vivre, je continuerais à me battre et je compte sur vous » confie une retraitée ayant travaillé à l’hôpital. Une ancienne sapeur-pompier rajoute que « c’est notre hôpital à nous, c’est nos impôts, on doit rester soudé ».

Cependant, même si la CGT semble optimiste considérant que « la mobilisation paye et l’hôpital restera ouvert », la clé paraît être dans la communication. Comme le rappelle Marine Ruiz, « c’est compliqué de mobiliser le personnel à l’hôpital parce qu’on est assigné, on est toujours en service minimum. On a aussi besoin de se reposer et donc de la population ».

Malgré une action le 16 octobre dernier, rien ne semble avoir bougé. Même une pétition à 27 000 signatures pour empêcher la fermeture n’est pas écoutée.

L’absence des médias sur ce sujet est également criante. Olivier Delemar, secrétaire adjoint de l’Union locale, demande : « Où sont les médias ? On a pourtant convié La Montagne et France 3, seul Médiacoop est présent ». Une annonce qui fait réagir immédiatement le public qui applaudit avant de quitter la salle, requinqué par une soirée sous le signe du sauvetage de l’hôpital public.

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