IA et jeux vidéo : « La France doit créer des outils qui vont dans le sens des artistes »
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LA TRIBUNE – Avec la montée en puissance des outils dopés à l’intelligence artificielle, a-t-on encore besoin d’un studio d’animation pour créer un univers ?

Axel BUENDIA – Oui car on parle de tâches créatives où l’enjeu est de faire preuve d’originalité. Aujourd’hui, la créativité est globalement absente de ces outils. À moins de se laisser guider par l’IA et d’être déçus du résultat, c’est assez complexe de l’orienter vers un rôle de direction artistique. Ce qu’on voit surtout, ce sont des outils qui servent à aller plus vite sur certaines tâches, notamment sur la partie amont de la production d’un jeu vidéo.

Le développement de la technologie va de pair avec l’histoire du jeu vidéo. Le sujet n’est pas nouveau pour les concepteurs mais qu’est-ce que la diffusion massive de l’IA change pour eux ?

Les outils de génération de contenu existent en effet depuis longtemps. On n’était déjà plus obligé de dessiner chaque arbre un par un quand on voulait une forêt. Ces outils sont apparus car ils ont répondu à une demande d’univers toujours plus grands. Les nouveaux outils génératifs comme Chat GPT ou Midjourney n’ont pas été conçus pour des métiers spécifiques, l’objectif était de toucher toute la population d’un coup avec un effet “whaou”. Les industries de la création trouvent cela intéressant mais les artistes savent reconnaître tout de suite une image générée par intelligence artificielle. Les outils ne sont pas au niveau, la cohérence globale de l’image n’est pas respectée. L’IA a créé un fantasme en laissant penser qu’elle est capable de tout faire, alors que c’est complètement faux.

Un rapport du CNC met tout de même en avant sa capacité à « stimuler la créativité ». Tout n’est pas à jeter ?

Non et le jeu vidéo est un secteur industriel qui a toujours eu besoin d’IA. Avec son récent développement, il faut la voir comme un outil de passage à la puissance supérieure. Ça va ouvrir de nouvelles portes pour les plus petits studios et permettre de gagner en efficacité. Mais pour l’instant, ce n’est pas majeur en termes de gain de productivité.

Intelligence artificielle : la colère des artistes

L’IA de masse fait peser des craintes sur la diversité de la création française. Comment tirer parti du phénomène ?

Aujourd’hui, les studios indépendants sont plutôt contre, pour des raisons éthiques, écologiques et juridiques. L’IA se dédouane de toute responsabilité sur les droits d’auteur. Et aucun pays du monde n’a tranché sur l’appartenance des droits d’auteur d’une image générée. Par ailleurs, les prompts écrits partent sur des serveurs. Cela viole souvent les contrats de confidentialité qu’ont les studios avec les maisons d’édition. Donc ce sont des objets difficiles à appréhender.

La question que l’Europe et la France doivent se poser c’est : pourquoi continuer à utiliser des outils génériques qui n’ont pas été créés pour nos métiers ? En plus des grands studios, on a une capacité de recherche en IA assez forte. Il y a un vrai enjeu aujourd’hui à créer les outils adéquats en rapprochant les chercheurs et ceux qui en ont besoin. On doit interroger les artistes sur les tâches qu’ils trouvent répétitives et rébarbatives. Il y en a plein dans leur travail ! La France doit créer des outils qui vont dans le sens des artistes. Et qu’ils soient si possible écologiques et sécurisés sur les droits d’auteur.

Est-ce une manière de reprendre la main et la condition pour un développement maîtrisé de l’IA ?

Elle pose des problématiques éthiques, morales, juridiques, écologiques et elle les écrase. Aucun enjeu n’est respecté aujourd’hui. Donc oui, il faut des outils encadrés. Et s’ils ne sont pas adaptés aux règles des studios en matière de propriété et de confidentialité, il y aura toujours des freins à leur utilisation dans l’industrie créative.

OPINION. « Il est urgent de réussir l’Acte II de l’IA générative pour gagner la bataille de la performance responsable et de la souveraineté ! »