
Après la fermeture de son officine, le village gersois de Puycasquier (430 habitants) va-t-il être le premier de métropole à accueillir une antenne de pharmacie ? Tous les voyants sont au vert pour ce dossier, que le maire porte depuis deux ans. Témoignages.
« La pharmacie a fermé vendredi dernier. On va faire comment ? La plus proche est à 10 ou 16 km ! » Frédéric, qui vit à Puycasquier, redoute déjà de voir le dernier médecin du village s’en aller. Il n’est pas le seul. Au-delà de Puycasquier, c’est tout un bassin de vie, une dizaine de villages, qui dépend de cette pharmacie : Crastes, Nougaroulet, Tourrenquets, etc.
À deux pas de là, Julien, qui aménage dans Puycasquier, n’apprécie pas plus la fermeture. « Ici, il y a des services, des commerces. Qu’une pharmacie ferme, c’est un mauvais signal. Moi, je m’installe ici, ce n’est pas pour arriver dans un désert ! »
Pharmacie invendable
« On est en train de résoudre ce problème, glisse le maire, Louis Turchi, prudent. Il y a 2 ans, le pharmacien a annoncé qu’il mettait son officine en vente. Mais même à 1 €, il ne trouvait personne ! » Le conseil municipal diffuse de la publicité dans la presse professionnelle, dans les facultés, se rend à l’étranger, mais rien n’y fait. « Ça me réveillait la nuit ! La fermeture d’une pharmacie, c’est le début de la fin pour le village, et le meilleur moyen de faire fuir les médecins ! »
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Aujourd’hui, la fermeture signifie la fin de la licence de la pharmacie. Elle ne peut pas rouvrir sans une autorisation. Le maire est bien conscient de l’âge moyen des 430 habitants de son village. « Nous avons une population vieillissante. Beaucoup ne sont pas motorisés. »
Antenne d’un nouveau genre
La solution est proposée par un administré. L’homme est lui-même pharmacien, il n’a aucune envie de voir Puycasquier perdre la sienne, et il a entendu parler d’une nouvelle structure qui permettrait d’assurer le service dans la commune. Les textes officiels existent, pour encadrer leur ouverture. Il s’agit d’ouvrir une pharmacie annexe, sorte de dépendance gérée par une pharmacie-mère, où les médicaments seraient délivrés par un spécialiste. La pharmacie-mère fournirait les médicaments, paie le salaire du pharmacien en poste et les frais liés à la comptabilité, à la gestion de stocks, etc. Le projet bénéficierait d’aides, de 10 000 à 12 000 € par an, pour aplanir ces surcoûts.
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« Dans toute l’Occitanie, il y avait 3 projets d’annexe, et c’est celle de Puycasquier qui est validée par l’ARS. Pour le moment, il n’y a qu’une expérimentation en cours, en Corse. M. Debant, l’ancien pharmacien, serait d’accord pour assurer ce service le matin. » Le conseil municipal mobilise tous les parlementaires gersois, unanimes pour soutenir ce dossier.
Accord général
Encore faut-il obtenir l’accord de toutes les parties dans le domaine sanitaire. Le jeudi 30 janvier, une visioconférence réunit, avec la municipalité, la direction régionale de l’ARS, les responsables du conseil de l’ordre des pharmaciens et les professionnels gersois, pour présenter le projet. Les pharmaciens les plus proches, ceux de Mauvezin, ne sont pas candidats, ceux de Fleurance ne répondent pas à l’invitation.
« Ça n’a pas duré très longtemps : tout le monde était d’accord, se souvient le maire. Il faut maintenant que le dossier soit validé par le ministère de la Santé. » La procédure pourrait prendre 3 mois. Le ministère a confirmé la semaine dernière à Jean-René Cazeneuve être en attente d’un retour des services. Le député, lui, est optimiste sur l’obtention de cette annexe : il n’y a tout simplement pas de raison qu’elle ne soit pas accordée.
“Louable, mais peu transposable”
L’Ordre des pharmaciens n’est pas opposé à la mise en place de l’antenne de la pharmacie de Puycasquier. « Les secteurs ruraux perdent leurs pharmaciens, analyse Olivier Bories, membre du bureau de l’Ordre. On est passé de 22 000 officines il y a 5 à 10 ans. On est en dessous des 20 000 aujourd’hui. Parfois, c’est le médecin qui part, parfois le pharmacien le précède, parfois, les officines fusionnent… Mais maintenir une activité suffisante dans un village, c’est devenu compliqué ! »
À ses yeux, transposer le système imaginé à Puycasquier à l’échelle du département ne sera pas facile – voire impossible. « Face à la désertification, l’idée est louable, mais elle dépend de beaucoup de paramètres positifs bien spécifiques : ici, le pharmacien de l’officine mère habite la commune où se trouve l’antenne. » Il met en avant la difficulté de gestion des stocks, de livraisons de médicaments, pour la pharmacie mère. « Le temps passé au comptoir, c’est 15 % du travail, assure Olivier Bories. Je doute qu’on puisse reproduire partout la situation de ce village. »