La Coordination rurale fait basculer la première région agricole de France
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Les figures locales de la Coordination rurale avaient vu juste. Le 10 janvier, le président du syndicat en Gironde, Vincent Collineau, affichait ses ambitions à La Tribune : « Le Gers va tomber. La Dordogne, les Charentes et la Gironde, on en est quasi certains. C’est pas possible autrement quand on voit la détresse des agriculteurs. » Les résultats des élections donnent aujourd’hui pleinement raison au viticulteur et éleveur de 34 ans.

Le syndicat aux bonnets jaunes remporte le scrutin dans quatorze départements français, dont la moitié rien qu’en Nouvelle-Aquitaine. Avec trois chambres départementales dirigées entre 2019 et 2024, il s’agissait jusqu’ici de la seule région où l’organisation était aux manettes. Son influence s’étend désormais en Centre-Val-de-Loire et Occitanie (trois chambres par région) et dans le Grand Est (une chambre).

Relations houleuses

En Nouvelle-Aquitaine, première région agricole française et l’une des leaders en Europe, la majorité des départements virent ainsi au jaune. La Coordination rurale conserve ses positions en Lot-et-Garonne (avec 70 % des voix), en Vienne et Haute-Vienne, et s’en va renverser les Charentes, la Dordogne et la Gironde. Sur fond de très faible participation — entre 20 et 25 % — le scrutin a été très serré dans plusieurs départements comme la Charente-Maritime avec trois voix d’avance face à la liste JA-FNSEA ou la Gironde, qui bascule pour seulement six bulletins. Une situation inédite pour le principal terroir viticole français, où la FNSEA était historiquement implantée.

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« Le ministère va être obligé d’entendre nos voix et nos revendications, annonce Vincent Collineau, président de la Coordination rurale de Gironde. On va devoir travailler de concert avec tout le monde pour avancer sur les préoccupations des paysans et pour remettre la chambre d’agriculture à leur service. » Parmi les priorités citées, l’accès à l’eau, les prix du vin, les difficultés de l’élevage et la politique d’installation.

L’arrivée de cette nouvelle majorité promet des relations tumultueuses avec les pouvoirs publics. Le syndicat est un habitué des coups de force dans la région, en particulier en 2024. Le 11 mars, jour d’assemblée plénière, les tracteurs de la Coordination rurale humiliaient le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine en couvrant de lisier le parvis de l’hôtel de région. Pour calmer les ardeurs, le président Alain Rousset bouleversait l’ordre du jour pour les recevoir. S’est ensuivie une journée de dégradations devant la préfecture de Gironde et sur les quais de Bordeaux.

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La position de l’État

Même méthode de force durant le blocage de la préfecture d’Agen en novembre pour contester l’accord avec le Mercosur ou dans les bâtiments des Grands Chais de France en décembre pour dénoncer les prix cassés sur le vin. Le syndicat sait se faire remarquer et a montré qu’il pouvait porter la colère d’une partie du monde agricole. « Tant qu’on ne nous écoutera pas, je ne suis pas sûr qu’on adoucisse nos méthodes », prévient Vincent Collineau.

Quand la FNSEA a pour habitude d’entretenir une relation de proximité avec les pouvoirs, les pratiques de la Coordination rurale véhiculent un autoritarisme affirmé qui va jusqu’à balayer l’État de droit. Comme autour du lac de Caussade en Lot-et-Garonne, cette réserve d’eau illégale érigée par les bonnets jaunes sans autorisation légale et en dépit des mises en demeure de l’État. Un dossier local qui illustre parfaitement les manquements des pouvoirs publics. Et la nécessité pour eux de requestionner le rapport de force à l’heure où le syndicat jaune apparaît plus vigoureux que jamais.