La diaspora marocaine s’expose à l’Art Fair de Marrakech – Bondy Blog
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Cette année, la sixième édition de la foire d’art contemporain africain 1-54 prend ses quartiers à Marrakech. Dans différents lieux de la ville, des expositions mettront à l’honneur des artistes du continent et d’ailleurs.

El Mehdi Largo, artiste visuel et Farah Maakel, curatrice, ont eux décidé de rassembler 16 artistes de la diaspora marocaine d’Europe. Ce projet prend place au cœur de la résidence El Hamra à Marrakech. Les artistes ont été invités à penser et à installer leurs œuvres tout en valorisant ce lieu atypique du quartier de Guéliz, un endroit peu coutumier de ce genre d’événement.

Lors du vernissage, le 30 janvier, les visiteurs ont été invités à participer à différentes performances. Fatim-Zahra Alami, artiste pluridisciplinaire, a ainsi organisé un atelier autour de la voix et du corps pour transformer la vulnérabilité en force et inciter à la spontanéité. Dans une même dynamique transcendantale, Othman Elkheloufi a proposé un concert au cours duquel il a utilisé divers instruments et où les spectateurs collaboraient entre eux et avec l’artiste pour créer une expérience unique.

Dans l’exposition immersive, “Nostalgie du présent”, certains artistes évoquent le contraste entre leur culture marocaine et leur vie en Europe, mais aussi les connexions possibles.

Yanis Ratbi explore cette dualité à travers l’aspect spirituel des mondes gréco-romains et nord-africains. Après une école de commerce, il a décidé de se former à la création numérique et a développé ses projets autour du syncrétisme religieux, c’est-à-dire la combinaison de religions jugées incompatibles par certains. Il raconte sa nostalgie, celle de son entre-deux, entre la France et le Maroc, entre ses deux cultures et leurs symboles.

À partir des expressions que lui disait sa grand-mère telle que “Ceci est votre maison” et “La prunelle de mes yeux”, il raconte dans son triptyque la relation qu’il a avec sa famille, et ce qu’elle lui a transmis.

« Pour moi, il y a une spiritualité universelle. Je voulais représenter cette transcendance-là » – Yanis Ratbi

L’exposition se déploie sur deux étages de l’hôtel, mais aussi à l’extérieur, dans la piscine. Cet appart-hôtel, le premier de la ville, qui a ouvert en 1968, est aussi le lieu où la mère de Mélanie Ibtissem a travaillé il y a 40 ans.

Photographe belgo-marocaine, elle expose ses photographies dans ce lieu alors qu’elle a renoué avec le Maroc il y a 5 ans. C’est aussi le moment où elle a repris la photographie, capturant son quotidien.

Elle explore l’écart, celui entre ses cultures, mais aussi celui entre la modernité du Maroc et ses traditions. Travaillant à l’argentique, elle choisit de tirer ses photos sur des bâches, matériel industriel loin de sa technique, pour illustrer cette distance.

« Ne se sentant jamais tout à fait légitime en tant que photographe ou avec mes origines, je traduis ce sentiment d’écart dans mes images » – Mélanie Ibtissem

Ces artistes qui voyagent d’une rive à l’autre de la Méditerranée, passent également du passé au présent dans leurs projets. Ainsi, Linda Zineb nous rappelle un passé pas si lointain en recréant le cybercafé qui a permis le maintien des relations familiales entre la France et le Maroc. Avec son installation, elle recrée des dialogues entre immigrés des années 1980, ceux des années 2000 et les Marocains qui n’ont jamais quitté leur pays. Le tout grâce à une installation, où chaque personne interviewée raconte son rapport au Maroc et à l’immigration. Cherchant à remettre à plat les sentiments non exprimés, elle réhabilite ce lieu commun aux deux côtés de la Méditerranée.

« Je voulais créer un dialogue entre les Marocains sur l’immigration, car c’est un sujet commun à chaque famille, chacune ayant quelqu’un qui est parti » – Linda Zineb dans son cybercafé, Marrakech, 2025

L’entre-deux est aussi entre l’intérieur et l’extérieur, comme l’explore Aliocha Tazi. L’artiste qui a grandi entre la Belgique et le Maroc cherche à amener du jeu par ses œuvres. Il crée des objets dont on a besoin à partir de matériaux récupérés. En parallèle, il documente la vie de ceux-ci. Lorsqu’en 2016, en parallèle de la COP22 organisé au Maroc, l’État décide d’interdire les sacs plastiques, ils sont alors remplacés par des sacs en polypropylène, plus résistants, mais toujours fabriqués en plastique. Aliocha décide d’en faire des cerfs-volants qu’il expose au-dessus de la piscine de la Résidence El Hamra.

« Mon travail, ce sont des va-et-vient. J’aime que ce que je produis soit en extérieur (dans la rue), et en intérieur, dans des lieux d’exposition, pour désacraliser le fait que ce soit des œuvres » – Aliocha Tazi sous ses cerfs-volants, Marrakech, 2025

Ainsi, les œuvres visuelles et sonores explorent toutes l’altérité à leur façon. “Nostalgie du présent” finira le 8 février, laissant le temps à chacun, au-delà de l’Art Fair, de s’intéresser à ces travaux et à ceux des autres artistes Européens-Marocains.

Najat Saidi

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