Depuis le 1er janvier 2025, Gazprom a cessé ces exportations de gaz en direction de la Moldavie, plongeant par ricochet le territoire séparatisme de Transnistrie dans une profonde crise énergétique.
Alors que les températures avoisinent les zéro degrés, les autorités de Transnistrie font état de quelque 72 000 foyers privés de gaz et de 1 500 immeubles d’habitation privés de chauffage ou d’eau.
La Transnistrie s’est séparée de la Moldavie au terme d’une brève guerre en 1992, après la déclaration d’indépendance de Chișinău, consécutive à l’éclatement de l’URSS. Si cette région russophone n’est pas reconnue internationalement, elle jouit d’une indépendance de facto et reste étroitement sous le contrôle de Moscou.
La Moldavie a toujours été fortement dépendante du gaz russe, mais le pays a ces dernières années entrepris une diversification de ses approvisionnements. Il reste cependant dépendant pour les deux tiers de son électricité d’une centrale électrique alimentée au gaz et basée en Transnistrie.
Tiraspol continue pour sa part de dépendre des livraisons de Gazprom pour le chauffage, l’industrie et l’électricité.
Transit ukrainien
La crise actuelle n’a pas de lien direct avec la fin de l’accord qui autorisait le transit du gaz russe par le territoire ukrainien, prévu depuis longtemps pour le 1er janvier dernier. La gaz russe peut en effet arriver en Moldavie via la Bulgarie et la Roumanie.
L’annonce par Gazprom, le 28 décembre, de l’arrêt des livraisons de gaz à la Moldavie ne faisait d’ailleurs pas référence à l’accord sur le transit ukrainien. Pour justifier cette décision, la compagnie russe a invoqué des dettes impayées du côté moldave. Le montant de cette dette est par ailleurs contesté par la Moldavie.
Il est toutefois possible que la Russie utilise l’arrêt des livraisons de gaz pour négocier le renouvellement de l’accord de transit et pour peser sur la scène politique moldave. Vendredi 3 janvier, le Premier ministre moldave, Dorin Recean, a qualifié l’arrêt des livraisons russes de « chantage au gaz du Kremlin », et a affirmé que Moscou tentait de déstabiliser le pays.
La Moldavie doit organiser des élections législatives en 2025, et le second tour de l’élection présidentielle de 2024 a opposé un candidat pro-russe et une candidate pro-européenne, alors que les autorités moldaves ont dénoncé des ingérences russes durant le processus électoral.
Quel impact sur la Moldavie ?
La Moldavie satisfait pour l’heure ses besoins en électricité grâce à sa production nationale et à des importations venues de l’UE, principalement de Roumanie.
La compagnie moldave Energocom fait des annonces quotidiennes sur l’approvisionnement en électricité du pays, et le raccordement technique en 2022 des réseaux électriques moldave, ukrainien et de l’UE a facilité ces flux d’électricité.
Si l’approvisionnement en énergie reste pour l’heure suffisant, ces modifications ont un coût. Vendredi 3 janvier, l’autorité moldave de régulation de l’énergie (ANRE), a approuvé une augmentation de 75 % des tarifs de base de l’électricité, qui sont passés à 0,8 € (4,1 lei) par KWh.
Et en Transnistrie ?
La centrale électrique de Transnistrie ne reçoit quant à elle plus de gaz. Depuis le 1er janvier, les autorités de la région séparatiste ont donc sévèrement limité le chauffage et mis en place des coupures d’électricité. L’industrie est à l’arrêt et le président du territoire, Vadim Krasnosselski, a appelé les citoyens à ramasser du bois pour se chauffer.
Le gouvernement moldave affirme avoir offert une aide d’urgence à la Transnistrie, notamment avec des générateurs, et être en mesure d’obtenir du gaz pour la région sur les marchés internationaux. Toujours selon le gouvernement, le territoire séparatiste a pour l’heure rejeté ces offres.
Dans un communiqué publié le 2 janvier, la Commission européenne a assuré qu’il n’y avait « pas de problème de sécurité d’approvisionnement ».
Les prix de l’électricité dans les pays voisins de la Moldavie, la Roumanie et la Bulgarie, restent élevés par rapport au reste de l’UE, mais cela correspond aux tendances de ces six derniers mois. Le gaz se négocie actuellement à environ 50 euros par MWh, contre environ 45 euros à la fin de 2024.
Du déjà-vu ?
En octobre 2022, Gazprom avait déjà réduit de 30 % ses livraisons de gaz à la Moldavie. Cette mesure, combinée à la perte des importations d’électricité en provenance d’Ukraine en raison des attaques russes, avait entraîné des pénuries d’électricité dans le petit pays.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’était rendue sur place en novembre 2022 et avait offert 250 millions d’euros sous forme de subventions et de prêts pour aider les autorités de Chișinău à gérer la crise.
En mars 2023, le ministre de l’Énergie Victor Parlicov avait annoncé que la Moldavie ne dépendait plus du gaz russe et que tous les flux de gaz en provenance de la Russie entrant dans le pays étaient directement acheminés vers la Transnistrie.
À quoi s’attendre maintenant ?
Selon Vadim Cheban, directeur de la compagnie moldave d’électricité Moldovagaz, les autorités de Transnistrie misent sur la reprise des livraisons de gaz en provenance de Russie.
La proposition de la Moldavie de garantir d’autres sources d’approvisionnement pour le territoire reste d’actualité. Mais si la Transnistrie devait accepter cette offre, elle serait de facto sous la dépendance directe de l’État dont elle a déclaré son indépendance.
Dans ce cas, la Russie perdrait aussi beaucoup de son influence dans la région. En décembre, un porte-parole du gouvernement russe avait déclaré que Moscou protégerait ses citoyens en Transnistrie.
La Moldavie de son côté continue d’importer son énergie depuis la Roumanie, ce qui pourrait alimenter une vague de mécontentement dans la région, où les prix de l’électricité sont plus élevés que dans le reste de l’UE depuis cet été.
Au cours de l’automne dernier, les hausses des prix en Europe centrale, orientale et du sud-est ont fait l’objet de discussions au sein du Conseil « Énergie » et une lettre des Premiers ministres de la région a été envoyée à Ursula von der Leyen.
[Édité par Anna Martino]
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