L’avenir s’assombrit pour Agronutris et ses protéines d’insectes
5 minutes

Soutenez Artia13 sur Tipeee

Elle avait pour ambition de devenir le leader de l’élevage et de la transformation d’insectes en Europe. Agronutris, s’est implantée en 2011 à Saint-Orens-de-Gameville, au sud-est de Toulouse avec sa holding EAP Group. Après dix ans de R&D, l’entreprise a inauguré en 2022 sa première usine dans les Ardennes, à Rethel. Le site, où est élevé un insecte unique, la mouche soldat noire, produit des farines et des huiles à base de protéines d’insectes.

Se positionnant comme un acteur clé de la transition vers des protéines alternatives, la start-up avait réussi à lever 100 millions d’euros en 2021 et avait bénéficié de 8,3 millions d’aides publiques dans le cadre du plan relance de l’État. À l’époque, la start-up voyait grand : neuf sites de production à horizon 2029 et la création de 200 emplois dans le Grand-Est. Agronutris misait sur la production à grande échelle d’insectes pour l’industrie agroalimentaire, notamment l’aquaculture, un marché en pleine expansion.

Agronutris lève 100 millions d’euros pour ouvrir des usines de farines animales à base d’insectes

Mais le ciel s’est assombri pour Agronutris qui a dû demander, le 23 janvier dernier, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde pour sa holding EAP Group. « L’accès au financement est rendu plus difficile par un contexte économique incertain et des investisseurs freinés par l’actualité du secteur », justifie l’entreprise. La procédure qui doit durer douze mois doit permettre de geler ses créances. Pendant ce temps, elle envisage un plan de restructuration « visant à optimiser ses coûts, améliorer sa rentabilité et renforcer sa structure financière ».

Dans les faits, une partie des 40 emplois que compte le siège toulousain seraient menacés, le site de Rethel n’étant pas concerné par la procédure de sauvegarde. Malgré tout, Cédric Auriol, directeur général d’Agronutris, se veut optimiste : « L’ouverture d’une procédure de sauvegarde pour la holding EAP Group nous donne du temps pour renforcer la structure financière et poursuivre notre activité. » « La montée en puissance (du site de production de Rethel, ndlr) avec une pleine capacité de production qui sera atteinte d’ici fin 2025 confirme la pertinence de l’investissement et offre des perspectives de profitabilité à court terme », ajoute-t-il.

Le cas d’Agronutris, est l’illustration d’un secteur en grande difficulté. En France, trois acteurs se sont lancés dans les farines d’insectes : Agronutris, Innovafeed et Ynsect. Ce dernier, qui emploie aujourd’hui 214 salariés, a ouvert une procédure de sauvegarde en septembre 2024 auprès du tribunal de commerce d’Evry. L’entreprise a fait le choix, le 17 janvier dernier, de lancer un appel d’offres pour trouver de nouveaux investisseurs. La start-up qui a levé près de 600 millions de dollars depuis sa création en 2011, se veut, elle aussi, rassurante : « Il reste jusqu’au 17 février pour déposer une offre. À ce stade, nous ne sommes pas sur une procédure de cessation de paiements, nous n’en sommes pas là. »

« Le marché des capitaux s’est retourné »

Pourquoi ces difficultés alors que le marché semblait si prometteur ? Pour Ynsect, « Le sujet, c’est que le marché des capitaux s’est retourné. Pour n’importe quelle start-up industrielle, c’est aujourd’hui très compliqué de trouver des capitaux ».

Pourtant, l’avenir a l’air de sourire au troisième acteur de la filière : Innovafeed. La start-up a inauguré une nouvelle aile de son usine dans les Hauts-de-France le 2 décembre dernier, pour multiplier par quatre sa production. Contactée, l’entreprise ne souhaite pas commenter les difficultés rencontrées par ses concurrents. « Cette industrie, nouvelle et innovante, est porteuse de nombreux défis, mais reste une filière d’avenir clé et prometteuse », tient-elle à souligner.

Derrière le cas Ÿnsect, la filière de transformation des insectes cherche la bonne recette