Le PPE tournera-t-il définitivement le dos au Green Deal en 2025 ?
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En 2024, l’opposition au Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) a grandi chez les conservateurs du Parti populaire européen (PPE), certaines mesures ayant été affaiblies, souvent en collaboration avec l’extrême droite. De nouvelles pressions pour obtenir des concessions favorables aux entreprises sont attendues en 2025.

Le mécontentement du PPE à l’égard du Green Deal européen s’est accru à la fin de l’année 2022, en pleine inflation. Ses membres avaient alors remis en question l’importance accordée par la Commission européenne de l’époque à la protection de l’environnement.

Mais l’opposition plus affirmée du groupe s’est particulièrement manifestée durant l’été 2023, lorsque les eurodéputés ont tenu le vote final sur le règlement controversé sur la restauration de la nature de l’UE.

Lors d’une séance plénière, les eurodéputés du PPE ont tenté de faire dérailler la législation, pourtant déjà édulcorée. Si les autres groupes parlementaires et quelques eurodéputés frondeurs du PPE ont contrecarré leurs efforts, les lignes de combat étaient clairement tracées.

L’opposition aux mesures du Green Deal n’a cessé de croître au sein de la formation conservatrice, alimentée par des manifestations d’agriculteurs de grande ampleur et très médiatisées ainsi que par la campagne qui a précédé les élections européennes de juin.

Le discours de réélection d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, devant les eurodéputés nouvellement élus lors de la plénière du Parlement européen de juillet 2024 a été un moment clé. La présidente de l’exécutif, également issue du PPE, a précisé que sa nouvelle Commission « simplifierait » les règles existantes afin de trouver un nouvel équilibre entre  protection de l’environnement et croissance économique à court terme.

Cela impliquerait une moindre priorité accordée à la biodiversité, au profit d’investissements accrus dans les technologies de décarbonation, visant à renforcer la compétitivité de l’industrie européenne.

Dans le jargon bruxellois, la nouvelle Commission semblerait davantage axée sur une Europe « propre » que véritablement « verte ».

Depuis, de nombreux membres du PPE ont montré, sur plusieurs questions environnementales clés, que leur enthousiasme pour cette nouvelle orientation dépasse celui de la cheffe de l’exécutif.

Question de moteur

Le PPE a également fait pression pour assouplir les règles en matière de CO2 pour les constructeurs automobiles européens, qui ont fait face à des difficultés au cours de l’année 2024. Pendant et après la campagne des Européennes, le groupe a fait pression pour plus de flexibilité sur l’interdiction de facto des moteurs à combustion interne d’ici 2035. En décembre, l’eurodéputé allemand Jens Gieseke (PPE) a présenté un document de son groupe à la Commission, l’exhortant à « corriger l’interdiction des moteurs à combustion interne ».

Le PPE a récemment mis l’accent sur la nécessité d’aider les constructeurs automobiles à échapper aux amendes auxquelles ils feront face s’ils n’atteignent pas les objectifs fixés par l’UE en matière de CO2 en 2025. Le document de Jens Gieseke appelle la Commission à agir en ce sens, faisant écho à une proposition avancée par les gouvernements italien et tchèque de centre et d’extrême droite, et soutenue par sept pays.

Le PPE et les responsables politiques nationaux continuent de faire pression sur Ursula von der Leyen à ce sujet. Ce fut notamment le cas lors de la dernière réunion du Conseil européen le 19 décembre.

La présidente de la Commission a annoncé un « dialogue stratégique sur l’avenir de l’industrie automobile en Europe », qui sera lancé en janvier entre la Commission, les entreprises automobiles, les syndicats et les fournisseurs d’infrastructures.

Les forêts, les loups… et bientôt les ours ?

Après la proposition de la Commission de retarder d’un an l’application de la loi phare de l’UE contre la déforestation, le groupe de centre droit a tenté d’édulcorer davantage la législation, en proposant un délai de deux ans et en poussant à la simplification des exigences pour certains pays.

Alors que le PPE a réussi à faire adopter certaines de ses positions par le Parlement européen, le Conseil a refusé de s’engager. La proposition initiale de la Commission pour un report d’un an de la mise en application a été acceptée, tandis que le cœur de la loi est resté intact.

En 2024, la Commission d’Ursula von der Leyen a fait volte-face et a proposé d’abaisser le statut de protection du loup.

Cette décision a été prise à la veille des élections européennes, alors que l’Allemande cherchait à obtenir davantage de soutien de la part des électeurs des zones rurales.

La présidente de la Commission a réussi à abaisser le niveau de protection des loups au début du mois de décembre, et ce changement dans le statut de protection d’une espèce sauvage pourrait bien ne pas s’arrêter au loup. En effet, le PPE cherche maintenant à réduire le statut de protection des ours.

Tarification du carbone pour les ménages

Le système d’échange des quotas d’émission (SEQE), qui fixe le prix du carbone pour les secteurs de l’industrie et de l’électricité, bénéficie depuis longtemps d’un large soutien en tant que moyen de lutte contre le changement climatique respectueux des règles du marché. Cependant, le récent défi du coût de la vie en Europe a fait réfléchir certains membres de la droite et du centre.

Leurs inquiétudes se concentrent sur le SEQE 2, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2027, et qui couvrira les combustibles de chauffage, le diesel et l’essence. Les citoyens européens seront pour la première fois directement affectés par ce système.

Une coalition de gouvernements de centre droit et d’extrême droite a récemment formé une alliance pour s’opposer au SEQE 2.

La semaine dernière, le groupe, dirigé par les Tchèques, a publié son manifeste dans lequel il demande un délai d’un an pour les combustibles de chauffage, plus long pour le diesel et l’essence, et un prix du CO2 contrôlé par le politique.

Cependant, le PPE ne partage pas cette position. L’eurodéputé Peter Liese, qui a précédemment négocié les règles de tarification du carbone, a confié à Euractiv la semaine dernière que le report du SEQE 2 ne résoudrait pas les problèmes.

À quoi s’attendre pour 2025 ?

Les efforts du PPE pour faire passer l’Union de « verte » à « propre » devraient se poursuivre en 2025. En début d’année, le groupe a clairement indiqué que l’arrêt de la mise en œuvre des règles sur les rapports des entreprises en matière de durabilité était une priorité pour la législature 2024-2029.

Les deux principales cibles du PPE sont la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD). La « proposition omnibus » à venir — qui vise à réduire les obligations d’information des entreprises, l’une des premières initiatives de la nouvelle Commission européenne — réexaminera les règles et la taxonomie verte de l’UE pour la finance durable.

L’objectif climatique de l’UE pour 2040 fera également l’objet d’un débat. La Commission propose depuis longtemps une réduction de 90 % des émissions, mais la législation formelle consacrant cet objectif doit encore être proposée par l’exécutif.

Enfin, le PPE pourrait faire pression pour une plus grande flexibilité en matière de tarification du carbone pour les industries exportatrices.

Le groupe a déjà appelé à une plus grande gratuité des émissions de carbone pour les sidérurgistes européens, citant la concurrence internationale intense. Si cette mesure est mise en œuvre, elle réduira la pression exercée sur ces entreprises pour qu’elles décarbonent leurs activités.

Le système d’échange des quotas d’émission devant faire l’objet d’une révision complète en 2026, l’attention du PPE restera probablement concentrée sur le programme durant l’année 2025.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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