François Bayrou semble avoir trouvé les bons ingrédients pour réussir son pari politique. Moins raide que son prédécesseur, il est sur le point de doter la France d’un budget et d’offrir au pays un peu de répit dans la crise politique née de cette dissolution ratée. Dès sa nomination, le centriste a perçu que le monde politique, si l’on excepte la gauche radicale, et surtout une majorité de Français aspiraient à mettre un terme à l’interminable vaudeville offert par une France sans loi de finances.
La croissance en berne au quatrième trimestre, à rebours du dynamisme économique des États-Unis, sonne d’ailleurs comme une sanction de l’enlisement des derniers mois. En engageant demain la responsabilité de son gouvernement, le Premier ministre court d’autant moins le risque de tomber qu’il semble avoir désarmé une partie du PS et s’être attiré la neutralité du RN. Tout ça reste à concrétiser. Les socialistes feront-ils preuve d’audace et de responsabilité comme le recommande Lionel Jospin ? Le Béarnais paraît en ballottage favorable.
Pourtant, le vote de ce budget Bayrou-Barnier n’est pas la panacée face aux maux qui accablent notre pays. Le patronat – avec comme porte-parole Bernard Arnault – s’insurge contre une augmentation des impôts et des charges qui pénaliseraient les grandes sociétés. Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, connaît l’amertume de sa potion, mais les concessions aux sociaux-démocrates sont le prix fort à payer pour s’assurer une stabilité politique… Quitte à dilapider l’une des réussites de la présidence Macron depuis sept ans : sa politique pro-business qui a permis de créer de nombreux emplois et d’attirer des investisseurs étrangers.
Le gouvernement Bayrou ne fait que perpétuer une culture du laisser-aller financier. Certes, le Premier ministre se félicite de la baisse des dépenses de 2% en 2025. Mais le chemin vers le retour à un déficit contenu à 3% en 2029 semble aussi loin que le bout du monde. De VGE à Emmanuel Macron en passant par Nicolas Sarkozy, tous les présidents sans exception ont contribué à plomber les comptes.
Ce n’est pas seulement notre propension à dépenser de manière déraisonnable que doivent affronter aujourd’hui nos gouvernants, mais aussi les dérives de la politique migratoire. À ce propos, les chiffres sont éloquents : 150 000 régularisations en 2000 contre 320 000 en 2023. Un manque de courage et de fermeté dans la manière de traiter ce dossier conduit à ce « sentiment de submersion » pointé par François Bayrou et qui a fait bondir une gauche toujours dans le déni de réalité sur ce sujet crucial.
À défaut de résoudre ce problème comme ceux de l’équilibre budgétaire et des retraites, il a su trouver les plus petits dénominateurs communs. Mais différer le traitement de choc, est-ce rendre service à une France en souffrance, à moins de considérer comme le philosophe américain Henry Thoreau que « le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins » ? Le maître queux de Matignon est trop expert en cuisine politique pour ignorer que la meilleure sauce béarnaise ne saurait masquer la fadeur du plat budgétaire servi aux parlementaires et à nos concitoyens. Le prix à payer pour retrouver de la stabilité politique.
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Bruno Jeudy, directeur délégué de la rédaction