La Conférence de Munich, grand rendez-vous dédié à la sécurité et au renseignement, est parfois riche d’enseignements, mais ces derniers se cachent dans les détails. Ces dernières semaines, de nombreux observateurs s’interrogeaient sur la possibilité que les richesses souterraines ukrainiennes jouent un rôle dans une éventuelle négociation entre Kiev et Washington sur la sécurité de l’Ukraine. L’évocation de ces enjeux miniers à Munich vient confirmer leur dimension sécuritaire.
En effet, dans la matinée, l’Ukraine a remis aux États-Unis un projet de partenariat sur ses ressources minières stratégiques, un document qui sera étudié de près, ce vendredi, par l’administration américaine. L’annonce intervient alors qu’une rencontre entre le président Volodymyr Zelensky et le vice-président américain J.D Vance est attendue à la Conférence de Munich sur la sécurité. L’offre ukrainienne pour ses ressources minières s’inscrit dans le cadre du « Plan de la victoire », un programme dévoilé en octobre dernier devant le Parlement ukrainien, qui vise notamment – dans son cinquième et dernier point – à utiliser les richesses minérales du pays comme levier économique et diplomatique pour sécuriser un soutien occidental plus durable.
L’intérêt américain pour ces ressources stratégiques s’est intensifié depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui a conditionné la poursuite de l’aide américaine à un accès aux minerais ukrainiens. « L’Ukraine a remis le document », a expliqué un membre de la délégation ukrainienne, ajoutant que la partie américaine avait demandé un délai pour l’étudier.
Un nouveau deal de Trump
Donald Trump, fidèle à son approche transactionnelle, entend transformer l’aide américaine en un échange économique stratégique. Dans une interview à Fox News la semaine dernière, il a déclaré sans détour :
« Je leur ai dit [à l’Ukraine] que je voulais l’équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares. Et ils ont accepté de le faire, donc au moins nous ne nous sentons pas stupides. »
Aux yeux de Trump, l’équation est simple : les États-Unis ont versé des centaines de milliards de dollars d’aide à l’Ukraine depuis le début de la guerre, il est temps, selon lui, d’en obtenir un retour sur investissement.
À Kiev, cette logique suscite autant de prudence que d’intérêt. L’Ukraine, consciente du penchant du président américain pour les « deals », aurait retardé à plusieurs reprises la signature d’un accord sur l’exploitation de ses ressources minières, espérant qu’un changement d’administration en 2025 permettrait d’obtenir de meilleures conditions.
Désormais le pari semble en partie gagné : Trump, plus favorable aux accords économiques directs que son prédécesseur, représente pour Kiev une opportunité d’ancrer durablement le soutien américain, en échange de concessions sur ses richesses naturelles.
Des richesses minérales au cœur du jeu géopolitique
L’Ukraine dispose d’un sous-sol exceptionnellement riche, attirant convoitises et rivalités. Elle possède les plus grandes réserves de titane d’Europe (7 % des réserves mondiales), environ 500 000 tonnes de lithium ainsi que d’importants gisements de graphite et de gallium.
« L’Ukraine peut devenir un élément essentiel de la chaîne d’approvisionnement mondiale en matières premières essentielles, en agissant comme un partenaire stratégique pour créer des chaînes d’approvisionnement plus résilientes », soulignait fin janvier dans nos colonnes Nataliya Katser-Buchkovska, ancienne députée de la Rada et spécialiste des questions énergétiques.
L’Union européenne avait déjà anticipé cette dynamique en 2021 en signant un accord de partenariat avec Kiev sur les métaux stratégiques, réduisant sa dépendance vis-à-vis de la Chine et de la Russie. Cependant, l’administration Trump pousse désormais pour un engagement économique plus direct des États-Unis, voyant en l’Ukraine une opportunité pour diversifier son approvisionnement, notamment en terres rares, indispensables aux industries militaires et aux technologies de pointe. Cependant, si le discours de Donald Trump semble viser les terres rares ukrainiennes, Kiev n’en dispose pas en immense quantité. À l’inverse, c’est le lithium – moins rare dans le sous-sol du pays d’Europe de l’Est – qui pourrait particulièrement intéresser les Américains.