L’évêque de Vannes a-t-il détourné l’héritage légué par un prêtre à une asso ?

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Il a l’habitude de prêcher devant ses fidèles à la cathédrale Saint-Pierre de Vannes. Ce jeudi après-midi, c’est dans un tout autre décor que Monseigneur Centène, évêque de la ville du Morbihan depuis 2005, a rendez-vous. Avec l’économe du diocèse de Vannes, un abbé et une ancienne notaire, il comparaîtra devant le tribunal correctionnel pour abus de confiance, accusé d’avoir détourné l’héritage légué par un prêtre à une association.

L’affaire remonte à septembre 2016, au décès du père Le Pipe dans sa 93e année. Recteur de la paroisse de Saint-Guen dans le quartier de Ménimur à Vannes, l’abbé avait été à l’origine de la construction de l’église Saint-Guen, érigée par les architectes Jacques-Henri Maisonneuve et Erich Kasper et qui a accueilli sa première messe fin 1967. Un lieu de culte labellisé « Architecture contemporaine remarquable » mais qui a bien vieilli depuis, nécessitant des travaux de rénovation.

L’association pas prévenue qu’elle était le destinataire

Dans son testament signé le 28 avril 2015 devant un notaire, le père Le Pipe indiquait ainsi léguer sa maison de Plœmeur, près de Lorient, aux Amis de Saint-Guen, une association ayant pour but de « promouvoir cet édifice spirituel et architectural » et de contribuer à sa sauvegarde. Sauf que ladite association n’a jamais vu la couleur des 300.000 euros issus de la vente de la maison du prêtre défunt. Elle n’a d’ailleurs sur le coup jamais été informée qu’elle était le destinataire du legs. « On l’a appris de manière totalement fortuite par des voisins du père, » souligne Grégoire Maisonneuve, fils de l’architecte et président de l’association des Amis de Saint-Guen.

Après avoir engagé des démarches auprès du notaire et du diocèse, ce dernier assure avoir fait face à « un mur de silence ». « Ils ont tout mis en œuvre pour que personne ne soit au courant de cet héritage », poursuit-il. Ce n’est qu’en 2018, après une décision de justice en référé, que l’association obtient finalement une copie du testament dans lequel le père Le Pipe « institue pour légataire universel l’association diocésaine de Vannes avec affectation du legs universel au comité Les Amis de Saint-Guen ».

Une première plainte classée sans suite en 2020

Le temps passe et toujours aucun versement sur les comptes de l’association qui décide alors de porter l’affaire devant la justice. En 2020, la plainte pour abus de confiance est toutefois classée sans suite par le parquet de Lorient. Mais l’enquête de l’officier de police judiciaire met toutefois en lumière que les fonds provenant de la vente de la maison du prêtre « ont été transférés vers d’autres comptes bancaires de l’évêché, permettant notamment le règlement de salaires ». Ce que réfute le diocèse de Vannes, assurant dans un communiqué que « les fonds n’ont pas été utilisés à d’autres fins ».

Après une nouvelle tentative de médiation, restée vaine, pour débloquer les fonds, l’association a donc de nouveau décidé de saisir la justice. « Cela fait huit ans qu’on se bat pour que les volontés du père Le Pipe soient respectées, souligne Grégoire Maisonneuve. L’attitude du diocèse vis-à-vis d’un homme qui a été l’un des leurs mais qui n’est plus là pour se défendre est quand même hallucinante. »

Le diocèse déjà éclaboussé par un précédent scandale

Le diocèse de Vannes remet de son côté en doute les missions de l’association « dont l’essentiel semble être de promouvoir l’œuvre de l’architecte, la participation à l’entretien de l’édifice n’apparaissant qu’en énième position ». Il estime aussi qu’il s’agit d’une « affaire ancienne, d’ordre privé, déjà classée sans suite par la justice et sans élément nouveau » et se dit « dans l’attente des conclusions des débats à l’issue de l’audience ». Monseigneur Centène et les trois autres prévenus encourent jusqu’à cinq de prison et 375.000 euros d’amende.

En 2021, un autre scandale avait déjà éclaboussé le diocèse de Vannes. Jugé pour avoir détourné 678.000 euros venant en partie de dons de fidèles, l’ancien vicaire général avait été condamné à trois ans de prison avec sursis. L’homme d’Église avait prétexté que cet argent servait à venir en aide à des enfants malades en Colombie mais avait fini par reconnaître que ses voyages étaient d’ordre sexuel, le quinquagénaire entretenant sur place des relations avec de jeunes hommes.

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