BERLIN — La seule chose positive que l’on puisse dire à propos de l’étrange théâtre politique qu’Elon Musk a mis en scène avec la cheffe du parti d’extrême droite allemand de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD/ESN), jeudi 9 janvier sur X, est qu’il n’y a eu aucun problème technique.
À quel point était-ce malaisant ? Au point que même les extrémistes de droite qui ont suivi le direct avec exaltation sont embêtés.
« Parlez de remigration, par pitié ! », a commenté un auditeur exaspéré, alors que le milliardaire américain Elon Musk et Alice Weidel, la cheffe de file de l’AfD, se lançaient dans un long discours sur l’univers.
Tous deux fait avaient fait sans relâche la promotion de l’événement, après le soutien controversé du milliardaire américain au parti allemand en décembre.
La promotion par Elon Musk de l’AfD sur X, avant les élections anticipées de février, a par ailleurs alimenté les spéculations selon lesquelles le direct pourrait enfreindre les règles européennes en matière de publicité électorale sur les réseaux sociaux.
À l’approche de la diffusion du direct de l’entretien, des responsables européens, dont le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, ont évoqué une interdiction pure et simple du réseau social X.
En Allemagne, deux grands syndicats ainsi que la Cour constitutionnelle ont annoncé jeudi fermer leur compte sur X. Les syndicats accusent le réseau social de diffuser de la désinformation et d’être « antidémocratique », des allégations qu’Elon Musk rejette catégoriquement.
« Oui »
L’entretien de jeudi n’est guère revenu sur cette controverse.
Alice Weidel, que l’émission présentait comme la « principale candidate pour diriger l’Allemagne » — ce qui est tout à fait faux étant donné que son parti accuse un retard de plus de 10 points dans les sondages sur les chrétiens-démocrates —, a eu beaucoup de mal à faire passer son message en anglais.
Elle s’est efforcée à plusieurs reprises de trouver ses mots, allant même jusqu’à demander à un assistant le terme correct pour « nationaliser ». Elle a aussi qualifié par erreur le leader démocrate-chrétien Friedrich Merz, le favori de l’élection, de « colistier ».
La cheffe de file de l’AfD s’est empressée d’énumérer ses sujets habituels de discussion — de la relance de l’énergie nucléaire en Allemagne à la lutte contre les entraves à la liberté d’expression.
À part l’affirmation bizarre et anhistorique selon laquelle Adolf Hitler était un communiste de gauche, Alice Weidel est à peine revenue sur les sujets les plus controversés, notamment la volonté de son parti de sortir l’Allemagne de l’Union européenne (UE) et ses positions anti-immigration.
Elle a semblé plus à l’aise dans le rôle de la flagornerie.
« Je pense que les commentaires critiques sont un cadeau », a déclaré Elon Musk durant le débat.
« Oui », a répondu Alice Weidel. « Oui, oui, oui », a répété le milliardaire.
Le direct a surtout illustré que les deux participants ne semblaient pas synchronisés et qu’ils ne se connaissaient pas, ce qui a souvent conduit à des silences gênants.
Elon Musk a ainsi écorché le nom de la dirigeante de l’AfD, avant de faire l’éloge du système éducatif allemand, alors qu’Alice Weidel venait juste d’en faire une critique cinglante.
Après une heure extrêmement longue, la cheffe de file de l’AfD a incité la milliardaire à se lancer dans un monologue sur ses visions de l’exploration spatiale et de la philosophie. Elle est restée silencieuse, à l’exception de quelques exclamations d’admiration, manifestement heureuse de ne plus avoir à parler anglais.
« Wow », s’est-elle exclamée à plusieurs reprises. « Je ne sais pas comment continuer », a-t-elle dit enfin. « Ces mots sont si beaux. »
[Édité par Anna Martino et Laurent Geslin]
Aller à la source