
Les coprésidents du groupe d’extrême droite des Conservateurs et Réformistes européens ont déclaré qu’ils étaient prêts à travailler ensemble avec les Patriotes pour l’Europe pour mettre un terme au Pacte vert pour l’Europe, selon une lettre obtenue par Euractiv.
Jordan Bardella, président du Rassemblement national et du groupe des Patriotes pour l’Europe, a envoyé une lettre mardi aux présidents des groupes conservateurs et d’extrême droite du Parlement européen, nommément les Conservateurs et Réformistes européens (CRE), le Parti populaire européen (PPE), et l’Europe des nations souveraines (ESN), appelant à une action commune pour suspendre temporairement le Pacte vert (« Green Deal »).
« La suspension temporaire du Green Deal permettrait de réévaluer ses objectifs et ses déclinaisons », alors que l’UE risque « d’accentuer sa marginalisation vis-à-vis des États-Unis et de la Chine », peut-on lire dans la lettre.
Jordan Bardella a appelé ces groupes à « soutenir l’ajout d’un prochain débat portant sur la suspension temporaire du Green Deal » et à faire adopter une résolution — un texte législatif non contraignant — allant en ce sens.
Une proposition qui ravit les membres de CRE.
« Le dialogue entre nos groupes politiques est crucial et nous sommes ouverts à d’autres discussions avec [les Patriotes pour l’Europe] et ceux qui partagent nos inquiétudes sur les implications économiques et sociales du Green Deal », ont écrit les coprésidents du groupe, Patryk Jaki et Nicola Procaccini dans une lettre de réponse, obtenue par Euractiv et datée du 29 janvier.
« Nous restons déterminés à coopérer avec des partenaires de même sensibilité que vous pour contrer les excès idéologiques du Green Deal et plaider pour des politiques qui s’alignent sur les priorités économiques et stratégiques de l’Europe », poursuivent-ils.
La lettre ne demande pas explicitement la suspension temporaire du Pacte vert, comme le fait Jordan Bardella, mais souligne que le groupe CRE a « depuis longtemps souligné la nécessité de réévaluer son calendrier et sa mise en œuvre ».
Le PPE dans l’embarras
Le Pacte vert, autrefois le programme phare de l’Europe en matière d’environnement, doit faire face à de fortes réticences au cours de l’année écoulée. Jordan Bardella s’est depuis longtemps engagé à suspendre sa mise en œuvre, mais c’est la première fois qu’il interpelle aussi proactivement ses homologues conservateurs et d’extrême droite, démontrant une fois de plus qu’une majorité alternative, faite de conservateurs et d’extrême droites européennes, est en train de voir le jour au Parlement européen.
Les Patriotes pour l’Europe et les Conservateurs et Réformistes européens n’ont jamais hésité à montrer leurs points communs idéologiques, mais la lettre de Patryk Jaki et Nicola Procaccini suggère qu’ils sont prêts à renforcer leur travail commun sur les dossiers européens clefs.
L’offre de Jordan Bardella a été accueillie sur un ton différent au siège du PPE, le plus grand groupe du Parlement, où certains députés influents ont exclu tout partenariat.
« Je dirais simplement non. Nous avons une vision complètement différente [du Pacte vert] », a déclaré l’eurodéputé allemand Peter Liese, qui gère les questions environnementales au sein du PPE, à des journalistes mardi.
Ce point de vue n’est toutefois pas partagé par tous les membres du groupe.
« [I]l vaut mieux suspendre l’application [de certains textes du Pacte vert] avant qu’il ne soit trop tard, et remettre les choses à plat, plutôt que de se dire : “on est cohérent et on continue sur la même route” parce qu’on ne veut pas revenir sur ce qui a été fait dans le passé », avait déclaré François-Xavier Bellamy, vice-président du PPE, aux journalistes en novembre dernier.
À l’époque, le PPE avait provoqué la colère des eurodéputés centristes et sociaux-démocrates en se rangeant du côté de l’extrême droite pour affaiblir les règles de lutte contre la déforestation.
En octobre, cette nouvelle majorité « alternative » avait également réussi à unir ses forces pour faire passer une résolution non contraignante au Parlement européen sur les élections truquées au Venezuela.
Les eurodéputés du PPE n’ont jamais caché leur opposition à certaines législations phares du Green Deal, y compris l’interdiction de vente de nouvelles voitures à essence et diesel dans l’UE d’ici 2035 — une mesure que Jordan Bardella souhaite supprimer au plus vite.
Renew Europe, groupe libéral et centriste, a également cherché à assouplir ses règles de coopération avec certains membres du groupe CRE, jugés fréquentables.
Toute poussée anti-Pacte vert lancée par les CRE à Strasbourg pourrait se répercuter jusqu’au Conseil européen, où siège la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Son parti, Fratelli d’Italia, est la plus grande délégation du groupe.
Les chefs de gouvernement conservateurs de l’UE, notamment le Premier ministre polonais Donald Tusk — dont le pays assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE —, ont appelé à freiner l’application du Pacte vert.
Il doit y avoir une « révision complète » de toutes les lois relatives au Pacte, a affirmé Donald Tusk la semaine dernière.
(AM)