
ROME — Alors que 79 pays membres des Nations unies ont condamné conjointement les dernières sanctions américaines contre la Cour pénale internationale (CPI), l’Italie fait figure d’exception en ne signant pas la déclaration. Le pays aggrave ainsi l’impasse dans laquelle il se trouve avec la Cour.
La France, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, la Grèce et l’Irlande figurent parmi les signataires d’une déclaration avertissant que les sanctions américaines contre la CPI pourraient gravement compromettre les enquêtes en cours et contraindre la Cour à fermer ses bureaux locaux.
La CPI a délivré en novembre des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et de dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre présumés. Les signataires ont également averti que de telles mesures risquaient « d’éroder l’État de droit international ».
La lettre décrit la Cour comme « un pilier essentiel du système judiciaire international, qui garantit que les auteurs des crimes les plus graves répondent de leurs actes et que leurs victimes obtiennent justice ».
Les dernières sanctions de Washington, annoncées jeudi, visent spécifiquement la CPI. Donald Trump a justifié cette décision comme une réponse à ce qu’il a appelé « des actions illégitimes et infondées contre l’Amérique et son proche allié, Israël ».
Entre-temps, les tensions entre la CPI et le gouvernement italien se sont aggravées ces dernières semaines après que l’Italie a expulsé Osama Almasri Najim, le chef de la police judiciaire libyenne, en dépit d’un mandat d’arrêt de la CPI à son encontre.
Les vice-premiers ministres Antonio Tajani et Matteo Salvini ont tous deux attaqué la Cour pénale internationale, affirmant qu’au lieu d’enquêter sur les autres, « la Cour elle-même devrait faire l’objet d’une enquête ».
Le gouvernement italien a également contesté la validité du mandat d’arrêt contre le responsable libyen, le qualifiant de « nul » en raison de prétendus vices de procédure.
La Première ministre Giorgia Meloni s’est interrogée sur le moment où le mandat a été délivré. Elle a souligné qu’il a été émis juste au moment où Osama Almasri Najim est entré en Italie, alors qu’il a traversé trois autres pays européens au cours des 12 jours précédents.
Le ministre de la Justice, Carlo Nordio, envisagerait de demander officiellement à la CPI des éclaircissements sur les incohérences des procédures du mandat d’arrêt.
Jeudi, le journal italien Avvenire a rapporté que la CPI avait ouvert une enquête sur le gouvernement italien pour « obstruction à la justice ». Rome a toutefois démenti l’existence d’une procédure formelle.
Un porte-parole de la CPI, réagissant à la controverse, a souligné qu’en vertu du Statut de Rome — le traité établissant la Cour — tout individu ou groupe dans le monde entier peut soumettre des informations au bureau du procureur. Toutefois, le porte-parole a refusé de commenter des cas spécifiques.
Omer Shatz est le directeur de l’organisation juridique de défense des droits humains Front-Lex — qui a déposé une plainte contre Giorgia Meloni, Carlo Nordio et le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi au nom d’un réfugié soudanais. Il a déclaré à l’ANSA que son organisation envisageait d’autres plaintes liées à l’affaire Osama Almasri Najim.
« Ses victimes se sentent très humiliées et déçues par les actions du gouvernement italien parce qu’elles voulaient qu’il soit jugé et qu’il rende des comptes », a-t-il confié.
(AB)