La prise de parole du grand patron français cette semaine nous a rappelé une évidence que nous avons tendance à oublier sous l’effet de l’étatisation de notre économie : ce sont les entreprises qui créent la richesse de notre pays. Nous avions oublié, ces 7 dernières années, les ravages que sont susceptibles de provoquer sans délai sur notre économie les maux français qui ont pour nom : instabilité fiscale, hausse du coût du travail et préférence pour la dépense publique.
Nous avions oublié à quel point le pouvoir politique pouvait avoir des effets délétères sur l’esprit d’entreprendre dans un monde livré à une concurrence sans commune mesure depuis la fin de la guerre froide, singulièrement avec la réélection de Donald Trump. Aussi étrange que cela puisse paraître aux amoureux de l’impôt et aux tenants de la dépense publique, les capitaux sont mobiles et les chefs d’entreprises aussi.
Sous l’effet de réformes que nous aurions dû mener depuis bien longtemps, nous sommes parvenus à oublier ce qu’était le chômage de masse, les défaillances d’entreprises et le repli industriel. Couplé à l’instabilité politique infligée par les censeurs, les effets du retournement de politique sont déjà sous nos yeux : le chômage a augmenté de 3,4% au dernier trimestre, les mises en chantiers de logements neufs ont atteint un point bas et le reflux des investissements étrangers inquiète. L’économie productive est à l’arrêt par rupture de ligne et anémie politique.
Mais il y a pire. Si les investissements sont à l’arrêt, c’est aussi parce que nous ne cessons de dénigrer ou de minorer collectivement le rôle de l’initiative privée et l’esprit entrepreneurial dans notre pays. Il n’y a pas que la rupture de ligne économique, il y a aussi notre inconscient anti-patronal. Si le tissu économique est aussi attentiste, c’est aussi parce que les signaux qui parviennent aux investisseurs du monde entier depuis la fin de la politique pro-entreprises d’Emmanuel Macron font ressurgir les démons marxistes de la doctrine économique française : il faut toujours se cacher et courber l’échine quand on y réussit.
À quoi bon réussir dans notre pays si c’est pour être immédiatement caricaturé en patron voyou ? À quoi bon chercher à y investir quand les impôts qui pèsent sur la production y sont les plus élevés de l’OCDE ? Quand on est entrepreneur, il faut avoir le cœur farouchement attaché au drapeau tricolore pour continuer à y créer de l’emploi.
Cette mauvaise pente n’est pourtant pas irréversible. Il est encore temps. Encore temps de faire revenir le bateau France sur le chemin de l’attractivité. Cela passe inéluctablement par une réforme en profondeur de notre modèle de protection sociale que les travailleurs et les entrepreneurs de ce pays ne peuvent plus porter seuls à bout de bras. Cela passe aussi par une classe politique qui dit enfin ce que notre pays doit à ceux qui prennent leur risque pour développer le progrès social et qui gagnerait peut-être à s’abstenir plutôt qu’à intervenir.
Cela suppose enfin que l’on cesse de croire que la seule richesse de ce pays serait publique ou d’origine publique. Qui peut raisonnablement croire que nous financerons par de l’argent public que nous n’avons pas la transition écologique dont le coût sera de plusieurs dizaines de milliards d’euros ? Qui peut croire qu’un pays dont le premier budget est le remboursement des intérêts de sa dette est un pays capable d’investir dans les grands défis de demain comme l’intelligence artificielle ? Qui peut soutenir qu’un pays aussi endetté que le nôtre a la capacité de prévenir seul la crise systémique de demain ?
Le génie Français est un génie mille fois renouvelé. Il est culturel, politique, militaire, spirituel. Mais il est aussi économique. Et en la matière, notre histoire nous a prouvé qu’il n’y avait pas de fatalité. Retrouvons-le avant que le monde, qui ne nous attend pas, ne rende impossible sa puissance de conquête. Retrouvons-le en espérant, chaque jour, des milliers de Bernard Arnault pour partager les fruits d’une croissance retrouvée.
Mathieu Lefèvre et Éric Woerth