Avant même d’oser rêver de laboratoires ou de carrières scientifiques, les filles doivent d’abord faire face à un obstacle bien plus discret : l’espace qu’elles occupent. Sans en avoir conscience, elles apprennent à se faire petites. Non pas parce qu’elles manquent d’ambition ou de curiosité, mais parce que l’espace autour d’elles leur signale subtilement qu’il n’est pas fait pour elles. Cette réalité mise en lumière par une étude relayée par le média BRUT, en novembre 2024, montre que le man-spreading ne commence pas dans le métro, mais bien à l’école primaire, dans la cour de récréation.
L’expérimentation menée à Strasbourg illustre ce phénomène : 125 élèves du CP au CM2, de différentes écoles, équipés de gilets GPS, ont permis d’analyser leurs déplacements en temps réel. Les résultats sont frappants : 20 % des enfants, majoritairement des garçons, monopolisent 80 % de l’espace dans la cour de récréation. Ce constat récurrent dans différentes écoles met en lumière des dynamiques sociales précoces, où les filles se voient reléguées aux marges des espaces publics.
Ces codes, inculqués dès l’enfance, façonnent inconsciemment la confiance des filles et leur rapport à l’espace public. L’apparition de ces codes et stéréotypes de genre dans l’éducation et la société en général, freine les ambitions des jeunes filles. En terminale, en 2021, seuls 51% des filles choisissent des spécialités scientifiques, contre 72% des garçons*. Cet écart se creuse davantage dans l’enseignement supérieur. Bien que la part de femmes diplômées d’un titre d’ingénieur soit passée de 22% en 2000 à 29% en 2021*, ces chiffres témoignent de la lente progression de la féminisation des métiers scientifiques et technologiques.
Mais cette dynamique n’est pas figée. Face à ce constat, de nombreux établissements scolaires repensent aujourd’hui l’agencement de leurs cours de récréation pour gommer ces inégalités (Franceinfo.fr). En réinventant ces espaces de socialisation, les réaménagements redonnent aux filles la place qu’elles méritent, dans la cour comme dans la science. L’objectif est de créer des lieux où filles et garçons peuvent évoluer ensemble, favorisant ainsi des comportements inclusifs dès le plus jeune âge.
À l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science, ces constats soulèvent une réflexion essentielle : comment l’occupation de l’espace influence-t-elle la confiance en soi et, à terme, l’accès des filles à des domaines comme les sciences et la technologie ?
Malgré les progrès accomplis ces dernières années, les femmes restent largement sous-représentées dans les carrières scientifiques, notamment dans les domaines de l’ingénierie et des technologies. En 2021, seulement 29% des chercheurs en France étaient des femmes*, un déséquilibre persistant. Cet écart, bien qu’en réduction progressive, demeure un défi à relever, tant dans l’enseignement supérieur que dans le monde professionnel. Il est impératif de multiplier les efforts pour encourager davantage de jeunes filles à s’engager dans ces secteurs porteurs d’innovation.
Pour y parvenir, il est nécessaire de déconstruire les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge et offrir aux filles des modèles inspirants, afin de favoriser une diversité créatrice de valeur, d’innovation et d’opportunités. Dans un monde où les technologies façonnent le quotidien et l’avenir, elles doivent pouvoir s’imaginer scientifiques, ingénieures, chercheuses, et envisager ces carrières comme une voie d’accomplissement.
Le rôle essentiel des entreprises et des institutions éducatives
Les entreprises et les institutions éducatives jouent un rôle clé dans ce processus. Devenir un véritable acteur du changement en matière d’égalité des genres dans les sciences est un enjeu qui repose sur la mise en place d’actions concrètes visant à inspirer et accompagner les jeunes filles dans leur parcours.
Renforcer la place des femmes dans les sciences passe avant tout par une meilleure visibilité des modèles féminins. Mettre en lumière des parcours d’alumni et de professeures qui ont réussi dans ces domaines, à travers des portraits inspirants, des conférences ou des témoignages, permet de créer des références positives et accessibles. Par ailleurs, le monde académique doit également continuer à s’engager pour une plus grande parité parmi les enseignants-chercheurs.
Cependant, l’action ne doit pas se limiter à l’enseignement supérieur. Elle doit débuter dès le secondaire, en multipliant les ateliers de découverte scientifique dans les collèges et lycées, notamment dans les établissements où les filles sont moins nombreuses à s’orienter vers les filières scientifiques. Des stages d’immersion ou des journées portes ouvertes spécifiquement conçus pour un public féminin peuvent également les aider à mieux se projeter dans des carrières d’ingénierie, en leur offrant une expérience concrète de ces métiers.
Le mentorat joue également un rôle déterminant, en mettant en place des programmes de soutien par des étudiantes en école d’ingénieurs pour les lycéennes. Des bourses ou aides financières peuvent aussi encourager les jeunes filles issues de milieux sous-représentés à choisir des études scientifiques.
Enfin, il est essentiel d’adapter les environnements d’apprentissage pour les rendre plus inclusifs et valoriser la diversité des perspectives, avec, par exemple, des formations sur les biais de genre pour les enseignants et intervenants.
Encourager la confiance et l’ambition des jeunes filles, un levier d’innovation pour le futur
L’un des principaux obstacles auxquels les jeunes filles sont confrontées dans leur parcours scientifique reste le manque de confiance en elles, alimenté par des préjugés. Il est donc essentiel de leur fournir des outils de développement personnel et professionnel, de renforcer leur confiance en elles et de les encourager à oser ambitionner des carrières scientifiques et technologiques. Le mentorat, les stages et les programmes de soutien au féminin peuvent jouer un rôle décisif pour aider ces jeunes filles à prendre conscience de leur potentiel et à se projeter dans des carrières de chercheurs et d’ingénieurs.
La féminisation des métiers scientifiques et technologiques n’est pas seulement une question d’égalité des genres, mais également un enjeu majeur pour l’innovation et la compétitivité. La diversité des profils, des parcours et des perspectives est un levier essentiel pour stimuler la créativité et répondre aux défis complexes d’un monde de plus en plus technologique et globalisé. Il est crucial que les jeunes filles perçoivent ces carrières scientifiques comme des voies d’avenir prometteuses, et qu’elles soient encouragées à rejoindre ces secteurs pour construire un futur plus équitable, plus durable et plus innovant.
Ensemble, agissons pour un avenir plus équitable
Réduire l’écart entre les femmes et les hommes dans les carrières scientifiques, c’est offrir à toutes et à tous les mêmes chances de réussir dans des secteurs porteurs d’avenir. Cela passe par des actions concrètes, une réflexion collective et un engagement à long terme pour permettre aux filles d’oser la science, d’innover et de réussir. En encourageant une plus grande parité, nous enrichirons non seulement le monde de la recherche, mais également tous les secteurs technologiques et industriels qui façonnent notre avenir.
Osez, innovez, réussissez !
(*) Sources : MESR-SIES 2023 (Étude du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche & Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques).