
Dans le grand désert médical toulousain, le quartier de Lafourguette cherche aussi des solutions. Les deux médecins de cette zone de 7 000 habitants sont en âge de prendre la retraite et personne ne souhaite les remplacer. Le Dr Yves Legrand, usé par ses dernières années d’exercice, vient d’annoncer son départ.
Son cabinet médical est spacieux et chaleureux. Un petit parc a même été installé pour les bébés, près du long bureau en bois. Au numéro 1 de la place de Milan, le Dr Yves Legrand reçoit ses patients depuis le 2 janvier 1990. Mais 2025 sera sa dernière année. “J’ai 65 ans, je suis usé et fatigué. Quand je me suis installé, il y a 35 ans, je ne pensais pas finir comme ça. À l’époque, les médecins levaient le pied à 60 ans, ils étaient trop nombreux”, raconte le médecin généraliste.
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Le départ de sa collaboratrice, il y a un an, n’a pas arrangé sa situation. “J’ai 2 500 patients, je travaille jusqu’à 70 heures par semaine. Mes journées de consultation s’étalent entre 8 heures et 21 heures et derrière, j’ai encore une à deux heures de travail administratif”, explique le Dr Yves Legrand qui gère également seul son agenda de rendez-vous. “C’est mon choix de ne pas avoir de secrétariat. Je connais mes patients, je sais ce qui relève de l’urgence et ce qui peut se régler par un conseil téléphonique”.
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L’association de quartier appelle à l’aide
Depuis trois mois, le Dr Legrand invite ses patients à chercher un nouveau médecin traitant. Le quartier de Lafourguette n’en compte qu’un autre, qui a dépassé l’âge de prendre sa retraite. L’association des habitants de Lafourguette se mobilise depuis plus de trois ans mais désespère. “Nous sommes 7 000 habitants, que va-t-il se passer quand les deux médecins auront jeté l’éponge ? En 2021, une médecin est partie du jour au lendemain après dix ans d’installation. On a bien vu à ce moment-là qu’il était complexe de faire venir des médecins”, raconte Alain Boubée, président de l’association du quartier. “Nous sommes enclavés entre l’A64 et le Mirail mais ce quartier ressemble à un petit village et nous appelons à l’aide”.
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“Les jeunes se débrouilleront mais je suis inquiet pour les petites mamies qui ne peuvent pas se déplacer. En 2025, entre les quartiers voisins de Bellefontaine et La Faourette, au moins trois médecins vont partir, que va devenir cette patientèle ? “, glisse le médecin qui réalise encore des visites à domicile.
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“Un patient que j’avais engueulé quand il était jeune est revenu me remercier avec du champagne”
Surnommé “Papi docteur” par les patients qui lui confient maintenant leurs enfants, Yves Legrand n’a pas trouvé de remplaçant. “Il y a deux ans, j’ai vu des jeunes médecins, je leur ai proposé mon aide pour créer une maison de santé dans le quartier. J’étais prêt à faire l’administratif, les visites et les remplacements, mais personne n’a tapé dans ma main. Pourtant, ce métier est super, riche en relations. Je me souviens d’un jeune que j’avais engueulé parce qu’il faisait des bêtises. Il est revenu dix ans plus tard avec une bouteille de champagne pour me remercier de l’avoir bousculé, il était coiffeur de stars et très heureux”, témoigne le Dr Yves Legrand.