
«Des soins révolutionnaires ». Voilà comment Didier Raoult vend ses deux nouvelles crèmes antirides. L’ancien dirigeant de l’IHU de Marseille, qui a été condamné à deux années d’interdiction de pratiquer la médecine à compter de ce samedi 1er février, a su rebondir. Il a fondé « Magnifiscience », une start-up de cosmétique avec l’entrepreneuse Nina Basri, présentée comme la « fondatrice d’un laboratoire cosmétique innovant » (Didier Raoult étant présenté, lui, comme un « éminent chercheur de renommée mondiale »).
Le mantra du duo : « utiliser la science de pointe pour offrir des soins révolutionnaires à la peau ». Ils vantent une lotion anti-âge censée « redéfinir les limites de la science ». Rien que ça. Mais qu’y a-t-il de si extraordinaire dans ce petit flacon vendu 75 euros les 60 ml ? On l’a passé au crible et spoiler alert… on est loin de la révolution.
De l’eau et de l’huile de tournesol
Comme beaucoup de crèmes, « Tonitence » est majoritairement composée d’eau, son premier et principal ingrédient. Vient ensuite l’« helianthus Annuus seed oil ». Si le nom est aussi pompeux que drôle (oui, on a 4 ans), il s’agit d’une simple huile de tournesol. « Elle est souvent utilisée en cosmétique pour son faible coût », explique Céline Couteau, maître de conférences à la Faculté de Pharmacie de Nantes Université et coautrice du blog « Regards sur les cosmétiques ».
Une huile un peu plus recherchée, celle de carthame, a également été utilisée. « A peu près toutes les huiles végétales se valent car elles ont la même fonction d’émollient, c’est-à-dire qu’elles donnent de la souplesse à la peau en l’hydratant », poursuit la pharmacienne. Selon elle, ce qui change dans le choix de l’huile, « c’est l’histoire que l’on va raconter ».
Des microplastiques
Dès le quatrième ingrédient, la docteure en pharmacie tique. « On nous vend la crème en disant qu’elle est bourrée d’actifs végétaux mais si on sait lire la composition, on s’aperçoit qu’après l’eau et les huiles, on tombe directement aux niveaux de pourcentages d’emploi. » En d’autres termes, tous les ingrédients qui vont suivre ne dépassent pas les 1 % de composition de la crème. Ça fait cher le pot d’eau et d’huiles.
La pharmacienne est d’autant plus embêtée que le quatrième ingrédient est un polymère acrylique. Utilisé pour ses propriétés gélifiantes, il « peut être considéré comme un microplastique ». « Ce serait bien qu’en 2025, on arrive à s’en passer, qui plus est pour un produit à 75 euros. »
Des actifs en quantité infime
Nous sommes ensuite partis à la recherche des actifs tant vantés sur le site. « Les quantités d’actifs sont tellement infimes qu’on est sur de l’homéopathie cosmétique, lui qui aime bien les médecines parallèles », rigole la pharmacienne. Parmi ces molécules miracles, Didier Raoult met en avant la présence de quercétine, un puissant antioxydant. « L’extrait d’oignon, présent dans la crème, en contient, mais en petite quantité », prévient Céline Couteau. La présence de l’actif vanté se trouve donc en très faible quantité dans un produit lui-même présent en quantité infime dans la (pas si) fameuse potion. RIP l’antioxydant.
Deuxième actif vanté : la vitamine C, présente dans la lotion grâce à des extraits de peau d’orange. On vous la fait courte : c’est exactement le même problème que pour la quercétine. « Les concurrents vantent souvent leur quantité en vitamine C en disant qu’il y en a 10 ou 20 % dans leur crème », compare la pharmacienne. Ici, Didier Raoult se garde bien de donner un pourcentage. De plus, « en cosmétique, les vitamines sont intéressantes quand elles sont apportées en tant que molécule purifiée et non en tant qu’extrait végétal, qui en fournit seulement une micro-dose ». On vous la (re) fait courte : les vitamines B, A et E se trouvent, elles aussi, à très faible dose. RIP les vitamines.
Notre dossier sur Didier Raoult
Aucun antirides connu
Pour Isabelle Rousseaux, vice-présidente du Syndicat national des dermatologues et des vénérologues, le principal problème réside surtout dans le fait « qu’il n’y a aucune possibilité que la crème soit antirides ». Les actifs antirides reconnus, comme le rétinol ou l’acide hyaluronique, ne font pas partie de la formule du professeur. « Ce produit n’a qu’une action de surface mais rien ne va pénétrer dans la peau, contrairement au rétinol qui a une action en profondeur car il y a des communications entre les cellules de surface et les cellules profondes. » RIP l’antirides.
Pour conclure, il s’agit donc qu’une crème hydratante assez ordinaire, sûrement agréable à appliquer et à sentir mais qui ne risque pas de vous faire rajeunir.