Un nouveau bras de fer engagé par le président américain, qui brandit son arme favorite. « S’ils nous imposent un droit de douane ou une taxe, on leur impose exactement le même niveau de droit de douane ou de taxe, c’est aussi simple que ça », a dit Donald Trump depuis la Maison Blanche. Le futur secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, a précisé que ce projet pourrait entrer en vigueur dès début avril.
« D’une certaine manière, il oblige tous les pays à renégocier leurs barèmes douaniers avec les États-Unis », observe Christine McDaniel, chercheuse au Mercatus Center, interrogée par l’AFP.
Un responsable de la Maison Blanche a expliqué à la presse qu’une revue des disparités commerciales serait lancée, visant tous les pays – « nos rivaux comme la Chine communiste comme nos alliés de l’Union européenne, le Japon ou la Corée du Sud. » Et que les droits de douane réciproques seraient « personnalisés », en fonction de chaque situation.
En général, les économies émergentes, tels le Brésil ou l’Inde, imposent des droits de douane à des niveaux plus élevés pour protéger leurs économies respectives. Le principal conseiller économique de la Maison-Blanche, Kevin Hesset, a déclaré sur la chaîne de télévision CNBC que le Canada et le Mexique étaient « au même niveau » de droits de douane que les États-Unis, du fait de l’accord de libre-échange qui les lie, « de même que le Royaume-Uni. » Mais selon les données de la Banque mondiale, les États-Unis appliquent en réalité en moyenne des droits de douane supérieurs à ceux imposés par les pays européens (2,72 % contre 1,95 %), alors que l’Inde applique un taux moyen de 14,26 %, le Brésil de 12,38 % et la Chine de 6,54 %.
L’Union européenne en ligne de mire
La Maison Blanche ne compte pas s’arrêter aux seules taxes à l’importation. L’exécutif cible aussi les barrières non tarifaires, comme certaines réglementations qui pénaliseraient, selon lui, les produits américains. La TVA européenne, plus élevée qu’aux États-Unis, est également dans le collimateur : le républicain la qualifie de « taxe punitive », car elle s’ajoute aux droits de douane appliqués à l’entrée des produits sur le marché européen.
« En matière de commerce, nos alliés se comportent souvent moins bien que nos ennemis », a lancé Donald Trump, visant en particulier l’Union européenne. Dans la foulée, il a ordonné un audit complet des déséquilibres commerciaux entre les États-Unis et le reste du monde, avec une échéance fixée au 1er avril. « Cela laissera au président la possibilité d’agir dès le 2 avril », a précisé Howard Lutnick.
Un délai qui rassure en partie les marchés. « Cette annonce conforte l’idée que Trump voit les droits de douane comme un levier de négociation plutôt qu’un véritable tournant protectionniste », estime Adam Button, analyste chez ForexLive.
Depuis le début de son second mandat, Trump a déjà instauré des surtaxes de 10 % sur les produits chinois, auxquelles Pékin a répondu par des représailles ciblées. Washington prévoit aussi d’imposer 25 % de droits de douane sur l’acier et l’aluminium importés. Le 1er février, le président américain a annoncé une taxe de 25 % sur toutes les exportations en provenance du Mexique et du Canada, accusant Mexico de laxisme face à l’immigration clandestine et au trafic de drogue. Sur ce dossier, le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a toutefois reconnu les efforts du gouvernement mexicain lors d’un échange avec son homologue Juan Ramón de la Fuente.
L’inflation repart à la hausse aux États-Unis
Trump a admis que ces barrières douanières pourraient entraîner une « augmentation des prix à court terme » pour les ménages américains, mais il assure qu’elles finiront par bénéficier à l’économie nationale. L’objectif affiché : protéger l’industrie américaine et réduire un déficit commercial qui dépasse les mille milliards d’euros (hors services). Pour nombre d’économistes, cette vague de taxes risque pourtant de se traduire par une hausse durable des prix. Or, le mécontentement des ménages face à l’inflation de 2022-2023 a largement contribué à la victoire de Trump en novembre dernier. Un premier signal d’alerte est apparu mercredi : l’indice des prix à la consommation a grimpé de 3 % sur un an en janvier, une accélération observée avant même l’entrée en vigueur des nouvelles taxes aux frontières.
Lors de son discours, Donald Trump a aussi pointé l’Inde, affirmant que le pays imposait « plus de droits de douane que n’importe quel autre ». Quelques heures plus tard, il recevait le Premier ministre Narendra Modi, annonçant des « accords commerciaux merveilleux » à venir. New Delhi avait d’ailleurs envoyé un signal avant cette rencontre, en réduisant ses taxes sur les motos américaines haut de gamme.